Révolution française Tome 2
régime de la Vertu.
Le 18 floréal (7 mai), l’incorruptible se dirige vers la
tribune de la Convention, d’un pas plus compassé qu’à l’habitude, tel un grand
prêtre s’apprêtant à prononcer un prêche, sur « les Principes de morale
politique qui doivent guider la Convention ».
« L’immoralité est la base du despotisme, dit-il, la
Vertu est l’essence de la République. »
Et « la morale est le fondement unique de la société
civile ». Et l’« Être suprême » est la source de toute morale.
Il faut donc lutter contre l’athéisme, contre la « secte
des Encyclopédistes ».
« Si l’existence de Dieu, si l’immortalité de l’âme n’étaient
que des songes, elles seraient encore la plus belle de toutes les conceptions
de l’esprit humain », conclut Robespierre d’un ton exalté.
Il met aux voix l’article 1 de sa loi :
« Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être
suprême et de l’immortalité de l’âme. »
Et il précise que des fêtes seront organisées, « aux
jours de décadi, en l’honneur de l’Être suprême, de la vérité et de la justice,
de la pudeur et de la frugalité ».
Maximilien Robespierre n’entend pas les ricanements des
athées, de ceux qui craignent sa dictature.
Il veut se persuader que, dit-il, « le peuple français
semble avoir devancé de deux mille ans le reste de l’espèce humaine ».
Et il approuve la rédaction, l’impression, la diffusion de L’Évangile
de la Liberté « adressé à l’Être suprême par les sans-culottes de la
République française ».
« Ô père de Lumière, éternelle puissance, toi qui fais
marcher le soleil devant la liberté pour éclairer ses travaux…
« La France est libre, le ciel a déposé dans ses mains
la foudre et le tonnerre… L’Évangile de la Liberté est au centre de la terre. La
France est l’effroi des tyrans…
« CREDO.
« Je crois à la nouvelle République française, une
et indivisible, à ses lois et aux droits sacrés de l’homme, que le peuple
français a reçus de la Montagne sacrée de la Convention qui les a créés.
« Les droits sacrés de l’homme avaient beaucoup
souffert entre les mains des traîtres, mais ceux-ci sont tombés sous la faux de
la guillotine, et ont été enterrés…
« Que le Peuple européen sortant de sa léthargie
coupable reconnaisse les droits de l’homme, pour lesquels les vrais enfants de
la France ont juré de vivre et de mourir :
Tremblez tyrans, tremblez esclaves
Traîtres échappés à nos coups
La France est couverte de braves
Qui sauront mourir comme nous. »
Mais Maximilien ne peut longtemps se laisser bercer par ces « prières
républicaines ».
Au sein du Comité de salut public, et encore plus dans le
Comité de sûreté générale, il sent monter la suspicion et même la haine.
Ce sont les Cordeliers, les hébertistes, les dantonistes, les
ultra-révolutionnaires et les Indulgents, tous ceux qui ont survécu à Hébert et
à Danton, et même à Marat, et les héritiers des Feuillants, des Girondins, des
Enragés, les athées, les partisans de la confiscation des propriétés et des
biens, et ceux qui redoutent la dictature vertueuse de l’incorruptible, qui se
dressent contre lui.
Billaud-Varenne déclare :
« Tout peuple jaloux de sa liberté doit se tenir en
garde contre les vertus mêmes des hommes qui occupent des postes éminents… Le
fourbe Périclès, parvenu à s’emparer d’une autorité absolue, devint le despote
le plus sanguinaire… »
La tension est si forte au Comité de salut public que
Saint-Just accuse Carnot, qui lui aussi a dénoncé la dictature de Robespierre.
« Sache, dit Saint-Just, qu’il me suffirait de quelques
lignes pour dresser ton acte d’accusation et te faire guillotiner dans deux
jours. »
Carnot se tourne, et regarde avec mépris Saint-Just, Couthon,
Robespierre.
« Je t’y invite, dit-il à Saint-Just, je ne te crains
pas, ni toi ni tes amis, vous êtes des dictateurs ridicules, Triumvirs vous
disparaîtrez ! »
Mais au contraire, chaque jour qui passe semble accroître la
concentration des pouvoirs au bénéfice du Comité de salut public, et, à l’intérieur
de celui-ci, aux mains de Robespierre, de Couthon et de Saint-Just. Vingt et un
représentants en mission ont été rappelés à Paris afin de renforcer l’autorité
du Comité.
Tallien, qui arrive de Bordeaux, Fouché, qui avait sévi à
Lyon,
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