Richelieu ou la quête d'Europe
Espagne ; les finances royales. Les réunions se caractérisent par de vives tensions et par d’incessantes et interminables querelles de préséance. Rapidement, les représentants des trois ordres se focalisent sur la vénalité des offices, à laquelle s’opposent, avec la plus grande véhémence, le clergé et l’aristocratie, le rôle politique de la reine semblant aller de soi, tout comme les mariages espagnols…
La paulette est considérée par la majeure partie de l’opinion publique comme immorale, car ne répondant à aucune justification ni nécessité, hormis les revenus dont le gouvernement a besoin pour son fonctionnement. Le droit annuel fait l’objet de mises en cause répétées [15] , mais la noblesse est profondément divisée sur le sujet et ses travaux aux états généraux s’en trouvent fort perturbés.
Ce sont deux noblesses qui s’affrontent : celle du sang et celle des offices. La première formule des revendications passéistes, relevant de la féodalité : le maintien des rangs, la lutte contre leur confusion. Elle dénonce les achats de terres et les charges qui anoblissent. Elle réclame la suppression de la vénalité des offices. Comment accepter l’accès à la noblesse par l’argent et non par l’honneur et le sang ? La paulette, qui a rendu les charges héréditaires, n’est pas plus tolérable. L’aristocratie, de surcroît, entend se réserver certaines charges, comme l’armée, la Maison du roi et la judicature. Elle réclame non seulement sa reconnaissance comme sanior pars de la société, revendiquant la représentation de l’ensemble du peuple auprès du souverain, mais aussi l’élimination des ministres robins du Conseil et, logiquement, le retour au gouvernement des princes du sang.
La réponse des officiers ne se fait pas attendre et s’organise autour de trois points. En premier lieu, toute réforme serait utopique en raison du coût qu’elle représenterait pour le trésor royal. Le rachat des offices poserait un insoluble problème de financement. La noblesse de robe rappelle, s’il en était besoin, que la paulette apporte chaque année aux caisses de l’État un million six cent mille livres ! En second lieu, si les revendications des Grands étaient satisfaites, le roi deviendrait l’otage de princes trop puissants. En troisième lieu, tout comme la noblesse détiendrait traditionnellement les fonctions militaires, les officiers, de par la nature même de leur charge, s’occuperaient de la justice et des finances. Louis XIII, enfin, serait assuré de leur fidélité, alors que les Grands ne cessent de trahir.
Malgré la pertinence du point de vue robin, et son adéquation avec la position de la régente, l’aristocratie semble l’emporter le 5 décembre : le roi accepte la suspension de la paulette. Or, si le souverain renonce à une partie importante de ses recettes, il doit en contrepartie trouver le moyen de réduire ses dépenses. Pour le tiers état, il n’existe qu’une solution : supprimer les pensions versées aux nobles, et surtout celles des Grands, qui accaparent presque 30 % du budget de l’État. L’assemblée du tiers s’accorde d’ailleurs sur le principe de l’abolition des pensions, malgré les protestations de la noblesse d’épée.
Au cours de ces joutes, les souverains, le jeune Louis XIII autant que la reine mère, retrouvent une autorité inespérée et le clergé une position qui se voudrait médiatrice. Richelieu fait partie de la délégation que son ordre dépêche au roi. Le tiers, soucieux de défendre au mieux ses intérêts, délègue quant à lui le président du bailliage d’ Auvergne , Savaron, l’un de ses membres les plus virulents, puis, grâce à l’intervention de l’évêque de Luçon , un représentant plus pondéré, le lieutenant civil de Mesmes. Or, contre toute attente, ce dernier adopte une position aussi revendicative que celle de son prédécesseur. Aucune entente durable n’est plus envisageable avec la noblesse.
L’affaire Savaron représente un tournant décisif dans le déroulement des états généraux. Malgré les efforts de conciliation déployés par Richelieu, l’unanimité nécessaire entre les trois ordres devient impossible. Et le problème de l’équilibre des finances n’est en rien résolu : le souverain ne donne aucun avis relatif à la suppression des pensions, alors que celle de la paulette et de la vénalité des offices est retenue. Afin de
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