Richelieu ou la quête d'Europe
l’armée doit passer par le Poitou et la Guyenne . Le 13 février, Marie de Médicis écrit aux parlements, aux gouverneurs et aux maires du royaume pour dénoncer les agissements des princes et la mise en cause de sa propre légitimité. Charles de Gonzague, apparenté à la famille ducale de Mantoue, qui détient le gouvernement de Champagne, résume à lui seul l’imbroglio politique dans lequel se débat le royaume et tout le paradoxe dont les Grands sont capables : il choisit de rejoindre les mécontents, de s’emparer, par les armes, de la citadelle de Mézières, tout en assurant la régente de sa loyauté ! La place occupe une position stratégique dans le système de défense du royaume et son commandement est du ressort direct du roi. Marie de Médicis réagit immédiatement, la prise d’armes est trop inquiétante. Elle confie la direction d’une expédition punitive au duc de Guise et au duc d’Épernon. La crise prend une dimension internationale lorsque la reine informe les ambassadeurs de la situation. Par précaution, M. de Béthune, frère de Sully, est dépêché vers les princes protestants pour les dissuader d’appuyer la révolte en cours.
Le 21 février, Condé, parfaitement solidaire du duc de Nevers , adresse à son tour une missive à la régente pour réclamer une nouvelle fois la réunion des états généraux et la suspension des mariages espagnols. La reine répond avec une indéniable habileté : elle commence par annoncer son intention de réunir l’assemblée des représentants des trois ordres du royaume, puis elle accuse réception de la lettre de Condé, qui n’a donc plus d’objet. Marie de Médicis n’a en fait plus le choix. Seuls les états généraux peuvent reconduire la régence en sa faveur. Les Grands, quant à eux, se retrouvent dans l’obligation de négocier, la reine ayant pris la précaution de concentrer une armée importante en Champagne .
Les partis en présence se réunissent à Soissons . La délégation royale est conduite par le président Jeannin. Elle réitère l’annonce de la réunion des états généraux et propose la remise à une date ultérieure du double mariage espagnol. Les princes surenchérissent en réclamant la dispersion des troupes royales. Marie de Médicis refuse. Qui plus est, elle procède à la levée de soldats supplémentaires que Louis XIII, en personne, passe en revue. Le peuple de Paris offre spontanément à la régente et à son fils des témoignages de fidélité. Impressionnés, les princes préfèrent reculer et renoncer à leur dernière exigence. Le 15 mai, les pourparlers débouchent sur la signature du traité de Sainte-Menehould : le duc de Nevers se retire de la citadelle de Mézières ; l’armée des princes est dispersée. En contrepartie, la régente rétablit les pensions. Condé obtient non seulement le gouvernement d’ Amboise jusqu’à l’ouverture des états généraux, mais également la somme considérable de quatre cent cinquante mille livres comptant ; le duc de Mayenne, la survivance du gouvernement de Paris et trois cent mille livres ; le duc de Longueville, cent mille livres et le duc de Bouillon, le renforcement de ses troupes. Le 7 juin enfin, comme promis, Marie de Médicis convoque les états généraux par lettres patentes.
Là encore, le répit est de courte durée. Le prince de Condé prend possession de son gouvernement d’ Amboise , puis se retire dans sa résidence de Rochefort-sur-Creuse, près de Poitiers . La municipalité de la ville vient à sa rencontre pour le saluer, mais la population, elle, n’accepte pas l’attitude d’un prince qu’elle juge déloyal envers le roi. L’évêque du diocèse, Monseigneur de La Rocheposay, partage l’opinion de ses ouailles et exprime sa désapprobation quant à la démarche de la municipalité, assimilée à un acte de désaveu de la régente. Une violente querelle éclate : Condé exige les excuses de l’ecclésiastique, qui campe sur ses positions et fait fermer les portes de Poitiers , fort de l’appui de la province et d’un soutien, certes, moins efficient, mais tout aussi sincère, celui de Richelieu.
De santé fragile, l’évêque de Luçon séjourne fréquemment au prieuré des Roches ou au prieuré de Coussay , situé non loin de Poitiers , où il trouve un environnement plus salubre. Richelieu est naturellement entré en contact avec Monseigneur de La Rocheposay, qui le présente à la même époque à
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