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Richelieu ou la quête d'Europe

Richelieu ou la quête d'Europe

Titel: Richelieu ou la quête d'Europe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie-Catherine Vignal Souleyreau
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personnelles, dont la satisfaction passe par le bon vouloir de Marie de Médicis. C’est pourquoi le maréchal d’ Ancre est favorable au renforcement de l’autorité monarchique. Le prince de Condé s’est fait, au contraire, le symbole de la volonté de réforme gouvernementale, profitant de l’impopularité du favori. Il défend la participation active au pouvoir des corps traditionnels, l’Église, la noblesse et le Parlement. Au moment du retour de Condé, la capitale du royaume bruisse encore des commentaires de l’affaire Picard, symbole du climat politique ambiant.
    L’hôtel de Concini se situe rue de Tournon, à l’extérieur de l’enceinte de Paris . En regagnant son logis, le maréchal d’ Ancre est arrêté, comme tout le monde, par un détachement de sentinelles, commandé par ledit Picard. Le favori se met en colère, son escorte tire l’épée, Picard et ses hommes aussi. La foule reconnaît l’équipage mis en cause et clame son hostilité. Concini doit chercher refuge dans une maison voisine. Le 19 juin, Picard est victime d’un guet-apens orchestré par le maréchal d’Ancre. Les agresseurs ne tardent pas à être arrêtés et Concini doit renoncer aux pressions qu’il exerce de tout côté pour entraver le bon déroulement de la justice.
    Richelieu peut se montrer inquiet de l’instabilité du climat politique, du retour de Condé, de l’attention réservée au prince du sang, et des maladresses de Concini. Malgré son intervention auprès du premier prince du sang, il a choisi son camp et ne peut plus revenir en arrière. Il ne doit sa position qu’au maréchal d’ Ancre . Le paradoxe est là : Richelieu accède aux limbes du pouvoir grâce à un favori, de nationalité étrangère, contre qui luttent les plus illustres représentants de l’ordre dont il est issu, l’aristocratie. Son indéfectible attachement au principe royal inscrit son engagement dans le rang de la noblesse seconde, tandis que la succession des événements et la valse-hésitation de la reine mère rapprochent ses ambitions personnelles de celles de Grands ou de favoris avides de pouvoir. Ce curieux paradoxe lui permet peut-être de s’imposer à Marie de Médicis, car il contraint l’évêque de Luçon à une parfaite efficacité.

    À la cour, Condé remarque vite le désintérêt total du roi pour les affaires d’État. Marie de Médicis et les Concini encouragent d’ailleurs sans vergogne Louis XIII au désoeuvrement ou aux futilités pour continuer à exercer le pouvoir. Le souverain est victime d’une véritable infantilisation. Le duc de Guise, au nom de la noblesse et du peuple, a le courage d’en faire le reproche à la reine, témoignant ainsi à la fois de sa fidélité à la personne du roi, au principe monarchique, et de son scepticisme quant à l’attitude de celle qui se veut souveraine. Le roi est encore un adolescent que sa propre mère juge limité, et qui se voit préférer son cadet, Gaston, né en 1608 [19] . Le mépris de Marie de Médicis à l’égard de son aîné entraîne le repli du roi sur lui-même. Le jeune homme ne supporte pas le manque de respect et se protège en se réfugiant dans un mutisme complet, d’autant plus commode qu’un bégaiement trahit trop souvent une extrême sensibilité. Il n’accorde sa confiance qu’à Charles d’Albert de Luynes. Marie de Médicis aimerait d’ailleurs se débarrasser de celui qu’elle considère comme un gêneur, depuis que Louis XIII lui a concédé le gouvernement d’ Amboise . Mais pour la première fois elle a dû reculer et s’incliner devant la colère de son fils.
    Malgré des revendications passéistes, Condé trouve dans la situation une nouvelle opportunité d’affirmer son pouvoir : il serait tellement avantageux de devenir le mentor d’un souverain introverti, à la personnalité si peu affirmée. Marie de Médicis est consciente de la menace qui plane à la fois sur elle et sur la monarchie. Ses prises de décision sont avant tout dictées par une approche intuitive et passionnelle des événements, au détriment d’une réflexion politique réellement pragmatique. Après le traité de Loudun , elle offre son retrait. Louis XIII refuse. Que peut-il d’ailleurs faire ? Qui pourrait remplacer celle qui est à la fois sa mère et le chef du gouvernement ? Tout concourt à inciter les Grands à un coup de force : se débarrasser de Concini et mettre le sort de la veuve d’Henri IV sur la

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