Richelieu ou la quête d'Europe
échange de celui de Guyenne qu’il détenait jusqu’alors. Les exigences financières des princes ne coûtent pas moins de vingt millions de livres à la Couronne.
Richelieu, tenu à l’écart, est miné par la fièvre. Il doit même quitter Coussay en litière pour se faire transporter au château de Richelieu où sa soeur, Françoise, vient de décéder. L’évêque de Luçon promet de s’occuper des deux orphelins qu’elle laisse, sa nièce préférée, future duchesse d’Aiguillon, et François Vignerot de Pont-Courlay, par la suite général des galères. Malgré les épreuves, le prélat a la présence d’esprit de féliciter les vainqueurs de Loudun et de ménager ses arrières.
De retour à Paris , la famille royale peut constater sa popularité, puisque, une fois de plus, elle a su éviter le pire. L’autre grand triomphateur à Loudun est Villeroy. Le ministre obtient l’attribution de la charge de garde des sceaux à l’un de ses proches, le président du parlement de Provence , Guillaume du Vair. Les lettres patentes entérinant la décision prévoient de plus que le garde des sceaux soit à même de présider le Parlement, ce que celui-ci refuse catégoriquement. L’incident est révélateur : le traité de Loudun porte un coup à l’autorité de Marie de Médicis, réduite aux compromissions, et va dans un sens contraire à celui des états généraux en ce qui concerne la maîtrise des dépenses de l’État. Pour l’évêque de Luçon aussi, les décisions prises constituent un revers. Il a tout fait pour se rapprocher du gouvernement, en multipliant les contacts avec les Concini. Mais Condé est un éternel insatisfait et, vers la fin du mois de mai, les événements se précipitent à nouveau.
Le 20, alors que le duc de Mayenne et le duc de Bouillon font acte de présence à la cour, le premier prince du sang, Sully et le duc de Rohan se retirent sur leurs terres. Dix jours plus tard, Marie de Médicis demande au contrôleur général des finances, le président Jeannin, proche de Villeroy, de renoncer à sa charge, au profit de Claude Barbin.
Ancien courtier en banque, ce dernier, grâce à l’appui de Léonora Galigaï, s’est hissé jusqu’à la surintendance de la Maison de la reine mère. Claude Barbin est aussi un ami de Denys Bouthillier. La revanche des Concini est soulignée peu après par l’attribution au maréchal d’ Ancre de la lieutenance générale du gouvernement de Normandie , accompagnée des places de Caen , Quillebeuf et Pont-de-l’Arche .
Puis Marie de Médicis charge Barbin de notifier son renvoi au secrétaire d’État Puisieux, qui est le fils du chancelier de Sillery et le gendre de Villeroy. La reine mère a l’intention de nommer à sa place une autre créature des Concini, Claude Mangot. Villeroy ne peut accepter un tel camouflet. Il n’hésite pas à affirmer que la charge de Puisieux lui appartient et que son prix s’élève à cinq cent mille livres. Mangot ne dispose évidemment pas d’une telle somme. La reine mère, d’autorité, fixe l’indemnité à payer à Villeroy à quatre cent mille livres, dont les trois quarts sont payés par Mangot et le reste par la souveraine elle-même. Villeroy n’a plus qu’à accepter la transaction.
Richelieu profite rapidement de la disgrâce des triomphateurs de Loudun . Au début de l’été, il est de retour à Paris et récolte les fruits de sa ténacité. Il est nommé secrétaire des commandements de la reine mère et reçoit un brevet de conseiller du roi en son conseil d’État privé. Puis, à la fin du mois d’août, vient s’ajouter une pension de six mille livres.
Quant à Condé, il tergiverse toujours et refuse de revenir au Louvre. Il prétexte la querelle avec Monseigneur de La Rocheposay : les anciens membres de la municipalité de Poitiers expulsés par l’évêque et par les habitants n’ont pas retrouvé leurs fonctions. Marie de Médicis, inquiète, envoie sur place le maréchal de Brissac pour satisfaire Monsieur le Prince. Concini préfère de surcroît lui dépêcher l’évêque de Luçon pour le convaincre de rentrer. La première mission politique confiée à Richelieu est un succès : au mois de juillet, Condé fait son apparition à Bourg-la-Reine , puis rentre enfin au Louvre le 29. Sous les yeux de l’évêque de Luçon, deux conceptions très différentes de l’exercice du pouvoir entrent en conflit ouvert.
Concino Concini défend ses ambitions
Weitere Kostenlose Bücher