Richelieu ou la quête d'Europe
pour une somme importante à l’évêque de Langres , Sébastien Zamet. L’accès aux responsabilités s’avère ainsi beaucoup plus ardu que ne l’aurait souhaité le bénéficiaire.
Qui plus est, Richelieu doit, dès son entrée en fonction, faire face à la menace représentée par le duc de Nevers . Après avoir fortifié Rethel et Mézières , le rebelle s’empare de Sainte-Menehould le 1 er décembre. La situation est d’autant plus dangereuse que les terres de Nevers jouxtent celles du duc de Bouillon, et que l’ensemble s’ouvre sur les terres espagnoles et sur les États allemands.
À Paris , Concini, toujours plus avide de pouvoir et de distinction, obtient l’érection du marquisat d’ Ancre en duché-pairie. Les Grands du royaume ne peuvent que s’irriter de voir l’intrigant accéder à un rang équivalant au leur.
Vers cette époque, Louis XIII commence à s’affirmer et à s’émanciper de la lourde tutelle maternelle. À la fin de l’année 1616, il tombe malade. Alors que Luynes tente les premières insinuations contre Concini, le souverain fait savoir aux princes qu’il adhère à leur point de vue et qu’il envisage de s’éloigner de Marie de Médicis. La prise de position de Louis XIII ne peut qu’encourager les Grands dans leurs préparatifs militaires, désormais justifiés par le souverain lui-même. Richelieu, quant à lui, se méfie des attitudes circonstancielles. Il connaît l’opportunisme de certains et fait preuve d’un profond discernement en ce qui concerne les intérêts réels de la royauté et du royaume. Il adopte une fermeté inébranlable.
Dès le 26 décembre, les troupes du gouvernement reprennent Sainte-Menehould . Une note de mise en garde contre le duc de Nevers est adressée aux souverains étrangers. Début 1617, l’évêque de Luçon bat le rappel des soldats disponibles et prépare un nouveau dossier contre le chef des rebelles, destiné cette fois au Parlement. Les magistrats ne tardent pas à enregistrer une ordonnance royale qui déclare Charles de Gonzague coupable de lèse-majesté. Un délai de quinze jours lui est concédé pour solliciter le pardon du roi. Enfin, Le Mercure français publie une lettre d’avertissement signée de Louis XIII et inspirée par Richelieu. Ce dernier met ainsi en oeuvre tout un arsenal de lutte, à la fois au plan intérieur et au plan extérieur du royaume. L’évêque de Luçon a le souci de légitimer son action contre l’un des dignitaires les plus influents de l’aristocratie, d’où l’action en justice. Le procédé dresse un véritable paravent de dispositions légales entre le souverain, son gouvernement, et leur ennemi, une méthode de travail aussi habile qu’originale.
Dans l’immédiat, les initiatives de l’évêque de Luçon ont pour conséquence le resserrement des liens politiques unissant les Grands. Ils s’accordent sur un manifeste commun adressé au roi, dans lequel tous réclament l’éviction du ministère Concini et vitupèrent contre l’action de Richelieu. Le responsable des Affaires étrangères et de la Guerre ne se laisse pas impressionner. Il riposte par un mémoire argumenté, qu’il intitule Déclaration au roi sur le sujet des nouveaux remuements de son royaume [21] . Richelieu menace les rebelles d’un châtiment exemplaire. Il emploie un langage autoritaire jusque-là inusité vis-à-vis des princes, ce qui renforce encore la colère de ces derniers, non seulement contre l’évêque de Luçon, mais aussi contre Concini.
Richelieu sait en réalité qu’il ne peut compter ni sur Marie de Médicis, découragée et fatiguée des attaques incessantes dont elle fait l’objet, ni sur le roi, trop humilié par sa mère et par Concini. À la fin du mois de janvier, Louis XIII donne un divertissement à la cour, Le Ballet des Amours d’Armide et de Renaud . Le souverain y interprète le démon du feu, le purificateur universel, et ose exprimer son hostilité à l’entourage qui lui est imposé [22] . Marie de Médicis propose à nouveau à son fils de se retirer. Il refuse pour la seconde fois et pour les mêmes raisons. L’évêque de Luçon ne peut que concentrer ses efforts sur les éléments qu’il maîtrise : la diplomatie et la préparation d’éventuels combats. Il sait qu’une intervention extérieure, comme celle du roi d’ Espagne au temps de la Sainte Ligue, serait catastrophique. Les princes rebelles pourraient obtenir des secours armés des
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