Richelieu ou la quête d'Europe
prend la peine de justifier sa prise d’armes par un second manifeste, déclarant vouloir empêcher les Étrangers d’envahir le royaume et répétant que seuls les princes sont habilités à siéger au conseil du roi. Malgré la fidélité sans faille de la noblesse seconde, les craintes de la reine se justifient : après bien des hésitations, les protestants eux-mêmes adhèrent à la révolte. Mais en cet instant critique, hasard ou félicité, le duc de Rohan échoue lors de l’attaque prévue contre le cortège royal.
Le 18 octobre, les mariages royaux peuvent avoir lieu simultanément par procuration à Bordeaux et à Burgos . L’infant Philippe, futur Philippe IV d’ Espagne , représenté par le duc de Guise, épouse Élisabeth de France . Anne d’Autriche épouse Louis XIII, représenté par le duc de Lerme. Puis la soeur du roi de France rejoint les Pyrénées avec son armée, tandis que Luynes est envoyé au-devant de l’infante d’Espagne. L’échange des princesses s’effectue, comme prévu, au milieu de la Bidassoa. La future reine de France fait son entrée à Bordeaux le 21 novembre. Le mariage de Louis XIII doit être réitéré officiellement en présence des futurs conjoints quatre jours plus tard par le cardinal de Sourdis. Mais l’imprévu est décidément de la partie : le prélat disparaît. Le parlement de Bordeaux vient en effet de condamner un gentilhomme, M. de Hautcastel, pour « crimes énormes » [18] . L’entourage du prévenu a sollicité une grâce du roi, qui l’a refusée. L’exécution était prévue le 17 : ce jour-là, le cardinal de Sourdis, ne pouvant accepter la condamnation d’un aussi digne représentant de l’aristocratie, vole au secours du condamné et le laisse s’échapper. Furieux, le Parlement ordonne aussitôt l’arrestation du prélat, qui prend la fuite à son tour. C’est pourquoi le mariage de Louis XIII et d’Anne d’Autriche est finalement célébré par l’évêque de Saintes. Ce qui semblerait anecdotique ou relever de la facétie n’en témoigne pas moins, au-delà de la querelle opposant noblesse d’épée et noblesse de robe, des libertés prises par certains avec l’autorité royale et souveraine en un instant pourtant déterminant pour l’avenir de la monarchie. Dans le royaume, les révoltes se multiplient et, à l’image du cardinal de Sourdis ou de Condé, c’est le désordre qui règne en maître, non plus Marie de Médicis.
La prise d’armes de Monsieur le Prince et la conférence de Loudun
En l’absence de Louis XIII et de la reine mère, la protection de Paris a été confiée au maréchal de Boisdauphin, qui tient Condé à bonne distance. Henri de Richelieu est justement maître de camp dans l’armée de Boisdauphin. La capitale est bien défendue et déjà certains Grands abandonnent le mouvement séditieux. Monsieur le Prince joue alors quitte ou double : il rejoint le duc de Rohan puis se dirige vers Sens , avant de franchir la Loire aux environs d’ Orléans et de s’installer à Châteauroux .
Boisdauphin dispose de contingents supérieurs en nombre, même si la cavalerie ennemie est excellente. Par ailleurs, le prince de Joinville recrute plus de cinq mille hommes pour étoffer l’escorte royale en Saintonge . Le duc d’Épernon, gouverneur de l’ Angoumois , doit encore fournir des renforts et les protestants du Dauphiné offrent eux aussi une armée au souverain. À la cour, un parti important travaille désormais à un accommodement, tandis qu’en Picardie , le maréchal d’ Ancre remporte une victoire aisée sur quelques troupes laissées par Condé. Richelieu et son frère prennent conscience que les forces des rebelles sont relatives et que la révolte aurait pu être matée depuis longtemps grâce à une organisation plus efficace.
Condé s’étant déplacé à Jarnac , le roi, après son mariage, est toujours exposé au danger de la sédition. La Rochelle se trouve à faible distance et les mutins, alliés aux protestants, pourraient couper le chemin de retour des souverains. Dans l’entourage de Louis XIII, les voix favorables aux négociations s’élèvent de plus en plus nombreuses, Villeroy à leur tête. Les campagnes sont ravagées par le séjour des gens de guerre et les soldats sont en piteux état. Seuls le duc de Guise et le chancelier Sillery prônent la poursuite des hostilités. Début janvier 1616, le fils du Balafré remporte une victoire importante à
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