Richelieu ou la quête d'Europe
, où les princes se sont regroupés. Les rebelles demandent l’ouverture de négociations. Leurs motivations sont diverses. Le duc de Bouillon veut gagner du temps. Son but est d’évincer Concini et Marie de Médicis. Le duc de Guise semble plus sincère et attaché à un accommodement durable. Les Grands le choisissent pour les représenter lors des débats à venir. Le 6 octobre, un accord est enfin trouvé ; seul le duc de Nevers refuse d’entendre raison.
L’évêque de Luçon est à nouveau sollicité puisque son savoir-faire en la matière a déjà fait merveille. Mais les discussions entre Richelieu et le dernier mutin, qui réclame la libération de Condé, se soldent par un échec. Le duc de Nevers tente un dernier coup de force, en s’avançant vers Reims , dont la défense de la ville est confiée au marquis de La Vieuville. Le fidèle serviteur de Marie de Médicis refuse l’entrée de la cité à la duchesse de Nevers. Par mesure de rétorsion, le duc s’empare du château de Sy-en-Rethélois , qui appartient à La Vieuville. L’affaire est évoquée au conseil du roi. La reine mère se déclare favorable à une riposte énergique, alors que Guillaume du Vair défend la conciliation. Le garde des sceaux a la maladresse d’afficher son humeur : Marie de Médicis lui retire sa charge. Le renvoi de Du Vair est l’occasion d’un remaniement ministériel. Richelieu voit enfin ses efforts et ses ambitions récompensés : il peut faire son entrée au gouvernement.
Claude Mangot hérite en effet des fonctions de garde des sceaux et libère un portefeuille comprenant à la fois les Affaires étrangères et la Guerre. Claude Barbin, qui a connu Richelieu grâce à la famille Bouthillier, le recommande à Léonora Galigaï et insiste longuement en sa faveur. Marie de Médicis demande au maréchal d’ Ancre de proposer à l’évêque de Luçon la double charge laissée vacante par Mangot. Le prélat reçoit sa commission à la fin du mois de novembre et prête serment. Un bémol cependant : Richelieu n’accède pas au titre de secrétaire d’État. La charge est détenue par Villeroy, qui ne la cède pas. L’évêque de Luçon n’a qu’une délégation pour exercer les fonctions de secrétaire d’État. Il ne dispose pas de la propriété de la charge, mais de son usufruit provisoire. Richelieu reçoit tout de même une pension de dix-sept mille livres. Il se voit adjoindre les services d’un commis, Beauclerc, pour les affaires de la Guerre, et ceux de deux secrétaires qui lui restent fidèles jusqu’en 1642, Denis Charpentier et Michel Le Masle [20] . Concini joue un rôle prépondérant dans la promotion offerte à Richelieu. Le nouveau gouvernement est formé le 25 novembre 1616 : pour l’opinion publique, le triumvirat Barbin/Mangot/Richelieu constitue le ministère Concini.
Le prélat est encore peu connu. Son arrivée au pouvoir ne déclenche aucune polémique, même si le portefeuille de la Guerre semble peu compatible avec la dignité épiscopale, et si l’office de notaire est théoriquement indispensable aux fonctions de secrétaire d’État. Richelieu, après tout, est déjà familier des dispenses et autres exceptions. Le nonce apostolique et l’ambassadeur du roi d’ Espagne s’en déclarent même très satisfaits, car l’évêque de Luçon est favorable au rapprochement avec Madrid et avec le souverain pontife, Paul V, qui lui a jadis accordé les dispenses nécessaires à l’épiscopat.
Malgré la récompense qu’elle représente, l’arrivée au pouvoir est empreinte d’une immense tristesse pour Richelieu : Suzanne de La Porte est décédée le 14 novembre. Le prélat n’a même pas le loisir de se rendre à ses obsèques et les créanciers de François IV du Plessis se disputent aussitôt le château de Richelieu. En ces circonstances si contradictoires, l’évêque de Luçon sait qu’il peut compter sur la sympathie de Barbin. En revanche, un incident survient immédiatement avec Concini, qui souhaite que le ministre qu’il vient de choisir renonce à son diocèse. Pour le favori, effectivement, le portefeuille de la Guerre ne peut être détenu par un ecclésiastique. Or Richelieu refuse catégoriquement de se défaire de son évêché de Luçon : il connaît trop bien le caractère aléatoire de la faveur royale. L’animosité s’installe subrepticement entre les deux hommes. Seule la charge d’aumônier de la reine est finalement revendue
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