Richelieu ou la quête d'Europe
Saint-Maixent , mais Marie de Médicis a fait son choix : elle disgracie le commandeur de Sillery, qui était son chevalier d’honneur, et le frère de celui-ci, le chancelier. Tous deux quittent la cour. Des négociations avec Condé sont entamées grâce à la médiation d’un émissaire du roi Jacques i er d’ Angleterre , le chevalier Edmond. Puis une suspension d’armes permet l’ouverture d’une conférence de paix à Loudun , le 21 février.
Les Grands présentent un large éventail de revendications, que Villeroy, secondé par le maréchal de Brissac, transmet au roi et à la reine mère. Certaines demandes s’avèrent tout à fait recevables : la réouverture de l’enquête sur l’assassinat d’Henri IV ou la confirmation des libertés de l’Église gallicane. D’autres prétentions ne peuvent déboucher que sur un accord de principe, sans prise d’effet immédiate : la révision des pensions ou la suppression de la vénalité des offices. Une troisième catégorie de doléances entraîne de vifs débats : l’exclusion des Étrangers de toutes charges et dignités, ou, curieusement, la réception de l’article du tiers comme loi fondamentale du royaume. Louis XIII choisit de se conformer à la ligne de conduite de ses prédécesseurs en ce qui concerne l’attribution des charges. Quant à l’article du tiers, il est définitivement abandonné en raison de ses implications religieuses.
De tout cela, Richelieu est absent. Ayant obtenu les fonctions escomptées au sein de la Maison de la jeune reine, sa présence auprès d’elle aurait paru naturelle. Il n’en est rien : le prélat ne quitte pas son diocèse et reste cloîtré au prieuré de Coussay , situé pourtant à faible distance du lieu de négociation. Qu’on ne s’y trompe pas : Richelieu met tout en oeuvre pour participer à la conférence de paix. Il propose ses services au duc de Guise, en vain ; il se plaint des exactions commises par les troupes de Condé sur les terres familiales, le prétexte n’a pas plus d’effet. À la cour, l’évêque de Luçon et ses ambitions sont loin de faire l’unanimité et on s’est bien gardé de le faire venir.
À Loudun , en tout cas, les discussions entamées traînent en longueur. Condé s’obstine à réclamer la promotion de l’article du tiers et présente même des revendications supplémentaires : une réforme du conseil du roi (prévoyant que tous les mandements royaux soient soumis à contreseing) ; la réduction de ce même conseil à douze membres ; l’allocation d’une somme de trois cent mille livres ; le gouvernement du Berry , la capitainerie de Bourges , la ville et le château de Chinon ; enfin, une compagnie de deux cents hommes soldés aux frais du roi. Le duc de Mayenne, le duc de Vendôme, le duc de Luxembourg, le duc de Rohan, Sully et Rochefortont aussi des prétentions financières.
Face à l’intransigeance des rebelles, Villeroy serait prêt à tout céder. Une personnalité de marque, et de poids, s’oppose cependant à la réception de l’article du tiers et à toute revendication des protestants : le nonce apostolique, dont Marie de Médicis suit les conseils. Or, de la manière la plus inattendue qui soit, Condé accepte soudainement les contre-propositions de la reine mère. Il renonce à l’article du tiers, abandonne la défense des intérêts protestants, et se déclare satisfait des concessions financières qui lui sont faites, comme de l’implication dans les affaires gouvernementales qui lui est concédée. Deux pierres d’achoppement subsistent : la citadelle d’Amiens, détenue par Concini et réclamée par le duc de Longueville ; le château de Nantes revendiqué par le duc de Vendôme. Marie de Médicis n’entend pas non plus céder sur ces points. Mais Villeroy tombe malade et Concini renonce à Amiens . En gage de bonne volonté, Condé est contraint de renoncer à satisfaire le fils naturel d’Henri IV.
Les 3 et 8 mai 1616, Louis XIII, la reine mère, le premier prince du sang et ses complices signent le traité de Loudun . Si celui-ci semble moins avantageux pour les Grands que la paix de Sainte-Menehould , Condé en est pourtant l’incontestable vainqueur. Nommé chef du Conseil, désormais signataire des arrêts, il est gratifié, par articles secrets, de cinq cent mille livres, de l’érection du comté de Châteauroux , qu’il vient d’acquérir, en duché-pairie, et du gouvernement de Berry , en
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