Richelieu ou la quête d'Europe
de Luçon . Luynes dépêche alors à Angers son beau-père, le duc de Montbazon, dans le but de faire revenir la reine mère à Paris et de discréditer Richelieu. La manoeuvre échoue. Au mois de mai 1620, M. de Blainville prend le relais. Marie de Médicis refuse toute discussion. Puis une véritable délégation est mise en branle : le duc de Montbazon repart à la charge, accompagné du duc de Bellegarde, de l’archevêque de Sens et du président Jeannin. La reine ne baisse pas la garde, au contraire. Elle se dote des moyens nécessaires à la lutte armée. Richelieu est chargé de récolter les fonds nécessaires à la levée et à l’entretien des troupes. Il supervise aussi le renforcement des places dont dispose l’ancienne régente.
Marie de Médicis est moins isolée qu’à Blois : elle le sait et profite de la nouvelle donne. Elle peut compter sur le soutien du second comte de Soissons, Louis de Bourbon, qui ne cesse de se quereller avec Condé ; sur celui du duc de Rohan, concurrent de Luynes à la connétablie ; sur l’aide de Benjamin de Rohan, duc de Soubise, frère d’Henri de Rohan. Le duc de Longueville et le prieur de Vendôme se préparent déjà à la lutte en Normandie . Le duc d’Épernon, secondé par le duc du Maine, maître de la Guyenne , mobilise des hommes en Saintonge . La reine mère réussit à rassembler autour d’elle un parti considérable, car les princes sont indignés de l’influence croissante de Luynes, récemment promu duc et pair.
Richelieu est quant à lui plus que jamais partisan de la modération. Il craint que la reine mère ne tombe sous la coupe des Grands et préférerait utiliser les forces réunies pour contraindre Luynes à négocier. Mais la majeure partie du conseil de la reine mère se déclare favorable au déclenchement, à vaste échelle, des hostilités. Seuls Michel de Marillac, qui a connu les guerres civiles sous les derniers Valois, et le père Suffren, confesseur de la reine, soutiennent le point de vue de Richelieu. Paradoxalement, c’est à lui, le conseiller indispensable, qu’il revient d’organiser la campagne. Le prélat n’a d’ailleurs guère le choix, s’il veut conserver un tant soit peu d’influence et d’autorité.
La « drôlerie des Ponts-de-Cé » et le traité d’ Angers
Les préparatifs de Marie de Médicis et de ses lieutenants s’organisent autour de la ville d’ Angers . La reine peut s’appuyer sur la Normandie : les places de Rouen et du Havre sont verrouillées par le duc de Longueville. Le comte de Soissons, quant à lui, contrôle Dreux , La Ferté-Bernard , le Perche et une partie du Maine . Le maréchal de Boisdauphin tient Château-Gontier et Sablé . Le duc de Vendôme contrôle une partie de la Loire. Les ducs de La Trémoille et de Retz sont implantés en Bretagne et en Poitou . La Saintonge se tient prête grâce au duc d’Épernon. Les protestants eux-mêmes pourraient prendre fait et cause pour la reine mère. Enfin, le marquis de La Valette occupe la place de Metz et pourrait ménager à la rébellion une ouverture vers l’ Allemagne , essentielle pour l’éventuel recrutement de mercenaires. Louis de Marillac, qui reçoit et applique les directives de Richelieu, est placé à la tête de l’armée de Marie de Médicis. Le passage stratégique de la Loire, entre l’ Anjou et le Poitou , doit s’effectuer aux Ponts-de-Cé .
Pour le pouvoir royal, la menace se fait imminente. L’opinion s’en émeut d’autant plus facilement que Louis XIII ne se prive pas de souligner les atteintes volontaires portées à l’autorité souveraine. Dans son entourage, le prince de Condé se déclare favorable à une riposte vigoureuse et rapide. Luynes défend au contraire la solution du compromis et de la discussion. Le 2 juillet 1620, la Normandie entre en dissidence : le gouvernement doit se réunir d’urgence et le souverain choisit la répression par les armes.
Dès le 7 juillet, le monarque, accompagné de son frère Gaston, de Condé, de trois chefs de guerre expérimentés, Schomberg, Praslin et Créqui, et de quatre mille hommes, prend la route de Rouen . Le duc de Longueville, surpris par la vivacité de la réaction de Louis XIII, prend la fuite et se replie à Caen en compagnie du prieur de Vendôme. Le roi les suit. Caen et son château font presque aussitôt leur soumission. Désorientés et pris de court, les Grands ne savent déjà plus quelle attitude adopter.
Dès le
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