Richelieu ou la quête d'Europe
une catastrophe. Les dettes du défunt viennent s’ajouter à celles de son père. Alphonse du Plessis est chartreux et en dehors du monde : Armand Jean devient le chef de famille, avec une conviction, la nécessité de consolider sa position et d’assurer ses arrières.
De retour aux affaires, il commence par obtenir le commandement de la place d’ Angers pour son oncle, Amador de La Porte et le gouvernement des Ponts-de-Cé pour M. de Béthencourt, l’un de ses proches. Il fait attribuer le château de Chinon à l’un des conseillers de Marie de Médicis, Jacques d’Apchon de Chanteloube, qu’il espère gagner à sa cause.
Le décès du marquis de Richelieu a une autre conséquence, la mise à l’écart définitive de Ruccelaï, concurrent de l’évêque de Luçon dans les faveurs de la reine mère, coupable d’avoir envenimé la querelle avec M. de Thémines. Richelieu est désormais tout-puissant auprès de la reine mère. Il songe dès cette époque au cardinalat [1] .
La présentation des candidatures au Saint-Siège est un privilège acquis par les souverains français. Malgré la recommandation de sa protectrice, l’évêque de Luçon n’obtient rien du roi. Marie de Médicis refusant catégoriquement de regagner Paris , Richelieu est soupçonné d’être à l’origine de cet état d’esprit. À défaut de pourpre, le prélat parvient à obtenir une audience de Louis XIII, à Tours . Seule une réconciliation complète du souverain avec sa mère permettrait à Richelieu de progresser et de parvenir à ses fins. Ce n’est qu’avec le concours de Luynes que les retrouvailles sont enfin organisées.
Le 5 septembre 1619, Marie de Médicis retrouve Louis XIII au château de Couzières , propriété du duc de Montbazon. La reine mère est vite déçue : elle a perdu tout ascendant sur son fils, qui semble lui préférer Anne d’Autriche. Dans l’espoir d’une part d’obtenir un retour au Conseil, pour l’ancienne régente autant que pour lui-même, d’autre part d’obtenir le chapeau de cardinal, Richelieu n’a d’autre choix que de resserrer les liens avec le favori. Mais Luynes fait en sorte que le candidat du roi au cardinalat soit l’archevêque de Toulouse , Louis de La Valette, fils du duc d’Épernon. Richelieu n’a plus qu’à retourner dans son diocèse, tandis que Marie de Médicis gagne Angers .
La reine mère arrive dans son gouvernement le 16 octobre. L’accueil qui lui est réservé est celui d’une souveraine, mais Louis XIII a pris ses précautions : les armes et les munitions ont été soigneusement retirées de la place. Au même moment, le roi attribue à nouveau à son frère cadet un gouverneur, le maréchal d’Ornano, sans consulter leur mère. Les circonstances qui président à la libération du prince de Condé, au mois d’octobre, n’arrangent pas la situation.
Luynes insinue que la reine mère a tout fait pour maintenir Monsieur le Prince en prison, alors que c’est elle qui, en réalité, a réclamé sa libération pour rééquilibrer les forces en présence. Il obtient à ce propos l’enregistrement au Parlement d’une déclaration officielle, affirmant l’innocence du premier prince du sang. Son emprisonnement s’expliquerait par un abus de pouvoir. Louis XIII doit assurer sa mère qu’il ne s’agit pas d’un désaveu à son encontre. Claude Barbin est également libéré, et aussitôt expulsé du royaume. Dans l’ignorance des dispositions d’esprit réelles de son fils, Marie de Médicis préfère camper sur ses positions et refuse, dans l’immédiat, de se rendre au Louvre.
C’est le moment que choisit Richelieu pour rejoindre la reine mère à Angers . Attendre lui est devenu insupportable. Il tente à nouveau de la fléchir, et de la convaincre de regagner la cour, en vain. Par prudence, l’évêque de Luçon écarte M. de Villesavin et le remplace par Claude Bouthillier, frère de l’abbé de La Cochère, à la charge de secrétaire des commandements de la reine [2] . Il obtient aussi la nomination d’un ami, Michel de Marillac, aux fonctions d’intendant de justice en Anjou . Le demi-frère de ce dernier, Louis, doit quant à lui coordonner les préparatifs militaires que la reine mère voudrait mettre en oeuvre.
L’attitude de Luynes n’a que trop envenimé les relations de Marie de Médicis et de son entourage avec Louis XIII et son gouvernement. Le favori, de son côté, s’estime trahi par l’évêque
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