Richelieu ou la quête d'Europe
face des retranchements espagnols. Les forces du duc de Feria sont insuffisantes. Au mois de février 1625, les Grisons sont libérés et les Espagnols sont chassés de la Valteline. L’intervention française est un franc succès : Philippe IV s’incline sans un mot. Les liens traditionnels avec Venise sont consolidés. Le duc de Savoie , avec l’appui du connétable de Lesdiguières, et en échange de subsides français, en profite pour attaquer le port de Gênes , dont dépendent les communications maritimes du roi catholique avec l’ Italie du Nord.
À la même époque, l’alliance sollicitée par les Hollandais est conclue. Les Provinces-Unies reçoivent des subsides qui se montent à plus d’un million de livres, ainsi que la promesse de versements ultérieurs. En contrepartie, les Bataves s’engagent à ne pas conclure de paix avec l’ Espagne sans l’accord du roi de France . Enfin, l’entente avec l’ Angleterre est rétablie, et les fiançailles du prince de Galles et d’Henriette de France sont prévues au mois de mai.
Le pape est évidemment furieux. Urbain VIII a succédé à Grégoire XV au cours de l’été 1623. L’ingérence française aux portes de l’ Italie et la défense des intérêts protestants sont peu au goût du souverain pontife. À la suite de l’échec de Bernardino Spada, Urbain VIII dépêche à la cour du roi de France son propre neveu et premier ministre, Francesco Barberini. Au mois de mai 1625, le légat réclame encore la restitution des forts de la Valteline aux soldats pontificaux, ainsi qu’un règlement garantissant aux Valtelins pleine liberté de culte.
Richelieu se déclare disposé à défendre les intérêts catholiques, mais il réitère aussi sa volonté de maintenir à la fois le droit de passage de la France et la souveraineté des Grisons. Richelieu veille à expliquer au Saint-Siège le bien-fondé de sa politique, en distinguant soigneusement les intérêts de l’État et les intérêts de la religion. En gage de bonne volonté, il consent à désavouer la rudesse du procédé utilisé par le marquis de Coeuvres, pourtant promu maréchal de France en octobre 1626.
Surtout, il charge le père Joseph de défendre la cause de Louis XIII à Rome . Le capucin demeure quatre mois auprès d’Urbain VIII, qui le reçoit régulièrement à propos de la croisade. Quand le père Joseph quitte la Ville éternelle, il porte le titre de commissaire apostolique aux missions. Il s’agit autant d’accentuer l’effort de reconquête catholique, que de défendre la politique de Richelieu.
L’affaire de la Valteline trouve une curieuse conclusion provisoire. Au mois de mars 1626, la France opère une volte-face aussi soudaine que l’intervention de 1624. Le 5, la France et l’Espagne signent le traité de Monçon . Philippe IV accepte la neutralisation de la Valteline. Il s’engage à ne plus y faire passer de troupes et à démolir les forts qu’il y a construits, la France conservant son droit de passage. Le catholicisme est la seule religion autorisée, mais les Grisons sont reconnus comme suzerains incontestables.
Le traité de Monçon est préparé par l’ambassadeur de France à Madrid , Charles d’Angennes, sieur du Fargis, proche de Bérulle et de Marie de Médicis, sans que Richelieu soit systématiquement consulté. La reine mère commence à davantage tenir compte de l’avis du père de l’Oratoire que de celui du cardinal-ministre. Il accepte le traité de Monçon comme une concession faite au parti adverse et ménage les catholiques les plus intransigeants au moment où s’affirme une nouvelle menace : le comportement du duc Charles IV de Lorraine .
À la fin de l’année 1625, une alliance rassemble une partie des princes protestants allemands, l’ Angleterre , les Provinces-Unies , et le roi du Danemark , Christian IV, lui aussi protestant, à qui Louis XIII et Richelieu ont dépêché Louis Deshayes de Cormenin en ambassade officielle. En tant que duc de Holstein , Christian IV est prince d’Empire. Un de ses fils, Frédéric, est administrateur des évêchés de Verden et Halberstadt , et convoite ceux de Brême et d’ Osnabrück . Christian IV est par ailleurs gardien des détroits du Sund et aimerait étendre sa domination. Il se trouve que les intérêts commerciaux du souverain danois coïncident avec ceux des princes réformés allemands.
De la deuxième phase de la guerre de Trente Ans qui s’ouvre alors ne
Weitere Kostenlose Bücher