Richelieu ou la quête d'Europe
avec son favori, le duc de Buckingham, pour accélérer les négociations. Le projet d’union anglo-espagnole n’aboutit cependant pas, le procédé employé par l’héritier de la couronne britannique et par son compagnon étant fort peu apprécié. Même si Philippe IV aimerait contrebalancer l’autorité acquise par Maximilien de Bavière et se rapprocher du Palatin, gendre de Jacques i er , une alliance avec l’Angleterre est fondamentalement contradictoire avec les principes de gouvernement du souverain catholique le plus intransigeant qui soit.
La Vieuville est débordé par la situation. Les affaires extérieures et diplomatiques ont pris un volume trop important et une gravité à laquelle il est incapable de faire face. Il multiplie les missions inutiles. Alors que le siège de Breda bat son plein, il presse les princes allemands d’adhérer à la ligue d’ Avignon pour rétablir les Grisons dans leur bon droit. Conscient de sa maladresse, de son isolement et de son manque de tact en matière diplomatique, il se tourne vers Marie de Médicis pour la prier de revenir au Conseil. La reine mère met un prix à son retour : l’entrée de Richelieu au gouvernement.
Dans un premier temps, La Vieuville tergiverse. Il propose de créer un conseil des Dépêches, dont la direction, sans réels pouvoirs, serait attribuée au prélat. Richelieu déjoue le stratagème et, prétextant la faiblesse de son état de santé, il décline l’offre qui lui est faite. Ce n’est que de guerre lasse que La Vieuville, conscient de ses lacunes, finit par accepter l’association du prélat aux affaires, avec voix consultative uniquement.
Malgré les rancunes, le cardinal se sait en position plus favorable. Le roi doute de La Vieuville et consulte de plus en plus souvent sa mère. À la fin du mois d’avril 1624, Louis XIII et le cardinal ont une entrevue secrète à Compiègne , au cours de laquelle le monarque demande au conseiller de sa mère de devenir le sien. En contrepartie, le prélat réclame toutes les attributions liées à son rang et à sa dignité ecclésiastique. Le roi accepte à deux conditions : qu’il ne s’occupe ni de la justice ni des finances. Richelieu peut s’incliner : il a partie gagnée. Le 29, à la surprise générale, il fait son entrée au Conseil, derrière le roi.
Le souverain connaît l’habileté du prélat, il a besoin de lui. Le cardinal s’est montré capable d’affronter vents et marées politiques pour atteindre son but. Avant lui, son père a utilisé sa charge de grand prévôt de France pour interférer dans les affaires financières du royaume. Richelieu s’est constitué un vaste réseau de fidélités dans l’Église comme dans le parti dévot. Il est trop pragmatique pour ne pas utiliser ses collègues évêques ou cardinaux, ses clients et ses amis. Louis XIII le sait. Il veut certes éviter que ne se reproduisent un cas d’enrichissement personnel frauduleux et tout risque de mainmise sur l’appareil judiciaire du royaume. C’est pourquoi Richelieu n’est autorisé qu’à donner un simple avis et se trouve exclu des affaires financières et juridiques de l’État. Mais ses attributions restent floues, à dessein. Il lui est plus interdit qu’autorisé, interdit notamment de recevoir à titre officiel des ambassadeurs chez lui et d’accorder des audiences publiques. Qu’importe, la voie du pouvoir lui est enfin ouverte !
Louis XIII est par ailleurs soucieux de gouverner en tenant compte des opinions de tous. Il tient à prévenir la dictature toujours possible d’une coterie sur une autre. Pour contrebalancer l’influence de Marie de Médicis, il demande au prince de Condé, retiré dans son gouvernement de Berry , de revenir à la cour. Monsieur le Prince refuse. Cette attitude peu conciliatrice est d’autant plus gênante pour le souverain que Condé se situe en seconde position, derrière le duc d’Anjou , dans l’ordre de la succession au trône.
Le cardinal de Richelieu, indispensable ministre
Dès son retour au gouvernement, Richelieu se rapproche du clan des Luynes et de son réseau d’influence. Le décès de l’ancien favori n’a pas entraîné la mort politique de sa famille. Son frère, Henri d’Albert, seigneur de Cadenet, devenu duc de Chaulnes en 1621, est aussi lieutenant général de Picardie , province stratégique limitrophe des Pays-Bas espagnols. Richelieu se rapproche également d’un autre clan : celui des
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