Richelieu ou la quête d'Europe
Montmorency, qui tiennent le Languedoc .
Les affaires les plus délicates, celles d’ Espagne , de Suisse , de Valteline , de Malte et du Levant , sont encore du ressort de Raymond Phélypeaux d’Herbault. À la fin du mois de mai, Louis XIII convoque les ambassadeurs de Savoie et de Venise . Pour les recevoir, Louis XIII désigne pourtant La Vieuville, Phélypeaux d’Herbault, d’Aligre, et Richelieu. Indice d’évolution : les discussions se tiennent chez ce dernier. Jusqu’en 1627, le cardinal n’intervient pas dans le courrier diplomatique officiel. Pour se tenir informé, il entretient en revanche une volumineuse correspondance privée, notamment avec les ambassadeurs. Par honnêteté, le caractère personnel de la démarche est répété, mais les missives obtenues de tous côtés sont souvent communiquées au roi. Richelieu entre en contacts épistolaires réguliers avec des chefs d’État ou des princes étrangers, avec Mansfeld par exemple, ou encore avec le jeune duc de Lorraine , Charles IV. Ce dernier accède justement à la couronne ducale en 1624 grâce à son épouse, Nicole, fille aînée et héritière du défunt duc Henri le Bon.
Richelieu utilise enfin, et peut-être surtout, des informateurs officieux, ecclésiastiques pour la plupart, comme Denis-Simon de Marquemont, archevêque de Lyon , envoyé en mission à Rome , et les capucins, agents de renseignement privilégiés, au premier rang desquels figure le père Joseph. Ce dernier le met en relation avec ses confrères les plus éminents, comme le père Alexandre, d’ Alès , en Bavière ; le père Hyacinthe, de Casal , dépêché dans l’Empire ; le père Ange de Raconis, en Angleterre . Des négociants et de simples voyageurs renseignent aussi le cardinal-ministre et complètent un vaste réseau de « créatures », couvrant au fil des années non seulement la France mais bientôt l’ Europe entière.
Est-ce le fruit du hasard ? À partir de juin 1624, La Vieuville doit se défendre contre une virulente campagne pamphlétaire qui l’accuse de prévarication. Tous les rivaux potentiels de Richelieu sont curieusement touchés les uns après les autres par des attaques de même nature. La Chasse aux larrons brocarde le duc de Mayenne, le duc du Lude, le maréchal de Vitry, le maréchal de Thémines et même le cardinal de La Rochefoucauld. La cabale atteint son point d’orgue lors de la parution d’une lettre ouverte à Louis XIII, La Voix publique au roi . On ne sait trop si l’auteur du libelle est Richelieu lui-même ou le chanoine Fancan, la plume la plus talentueuse que le cardinal ait mise à son service [4] . La malhonnêteté et la maladresse de La Vieuville sont dénoncées, ainsi que l’ingérence permanente dans les affaires d’État d’Étrangers aux intentions parfois douteuses, comme le nonce apostolique.
Le rappel du souvenir laissé par les Italiens survient à point nommé. Il faut dire que la politique étrangère de la France est en sérieuse difficulté. Le nouveau gouvernement est confronté à l’absolue nécessité de rétablir l’influence du roi de France auprès de ses alliés traditionnels. L’ Angleterre opère à point nommé un revirement complet de stratégie en faveur du roi très chrétien : Jacques i er évoque à nouveau un projet d’union entre le prince de Galles et Henriette de France.
Richelieu est convaincu de l’importance des passages des Alpes pour la France et ulcéré du non-respect par les Espagnols de leurs engagements. Il souhaiterait restaurer l’autorité de Louis XIII aux frontières orientales du royaume et contraindre Madrid à respecter la parole donnée. Si Philippe IV et Ferdinand II parvenaient à s’emparer de la Valteline, la continuité des territoires sous domination Habsbourg serait garantie. Et les héritiers de Charles Quint contrôleraient de manière exclusive le lieu de recrutement des meilleurs mercenaires d’ Europe . La Vieuville paraît trop avoir failli à sa tâche : au printemps 1624, Louis XIII offre la direction du Conseil au cardinal, avec la liberté de constituer le gouvernement de son choix. Sont proposés les noms du comte de Schomberg, pour la surintendance des finances ; de Michel de Marillac, pour les sceaux ; de Jean Bochart de Champigny, déjà contrôleur des finances. Un véritable contrat moral lie le roi et son serviteur : tous deux s’engagent à préserver la stabilité du ministère ainsi constitué. Tous
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