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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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dit la comtesse d’une voix blanche, trouvant encore la ressource d’ordonner.
    — Octosyllabe ! clama Ponceludon.
    Il rendit l’éventail à sa propriétaire et vint se placer au centre, puis lança son improvisation, ne quittant plus des yeux les tricheurs.
    « Toujours fidèle à sa conduite,
    L’abbé, sans nuire à sa santé,
    Peut faire deux mots d’esprit de suite... »
    Bellegarde était suspendu aux mots scandés par son champion. Le rimeur ménageait son effet.
    « L’un en hiver, l’autre en été. »
    Une rumeur admirative, mais timide courut, en raison de la crainte respectueuse qu’inspirait l’abbé. Bellegarde applaudissait des paupières, moins par prudence cette fois que par modestie. Vilecourt était à la torture, et la comtesse faisait dignement face au spectre du scandale qui pouvait éclater d’un instant à l’autre. Elle donna le signal des applaudissements. Alors on s’enhardit et le salon se remplit de pépiements enchantés. Bellegarde rayonnait. Jusqu’où n’iraient-ils pas, ensemble ?
    À la surprise générale, la comtesse se leva, et annonça sèchement qu’elle était invitée au « chocolat » du comte d’Artois.
    — Vous nous quittez donc ? s’étonna Bellegarde.
    Mais la comtesse était déjà sortie.
    Le marquis ne comprit pas plus quelle mouche piquait Ponceludon qui se précipitait à sa suite.
    À peine parvenue dans la galerie, la comtesse entendit le jeune homme qui l’interpellait :
    — Il semble que l’abbé de Vilecourt se fie plus à sa mémoire qu’à son fameux esprit !
    La comtesse s’arrêta net et fit face à son poursuivant. Cet homme qui tenait sa réputation dans sa main, qui pouvait à sa guise lui infliger ridicule et opprobre, elle le toisait comme s’il se fut agi d’un usurier venu la saisir.
    — Le prix, monsieur, de votre discrétion ?
    Ponceludon s’approcha d’elle et soutint son regard. Il poussa l’ironie jusqu’à la galanterie.
    — Madame, soyez sans crainte, dit-il en s’inclinant. Votre procédé ne sera pas... éventé !
    Elle ne lui fit pas l’hommage de sa reconnaissance, tourna les talons et s’éloigna.
    — Ah, vous voilà, vous ! dit-elle rageusement à l’abbé qui sortait à son tour et pressait le pas dans sa direction.
    L’ecclésiastique n’eut pas un regard pour Ponceludon quand il le dépassa. Il trottinait, piteux, vers son impérieuse maîtresse.
    Ponceludon retrouva Bellegarde dans le salon où la partie des bouts-rimés s’était interrompue avec le départ des deux plus brillants joueurs. Il se laissa féliciter par le marquis qui ne fut pas avare de superlatifs, mais il tint à la lettre sa promesse et ne révéla rien de l’incident. Les deux hommes déclinèrent d’autres joutes, sans que le soupçon de lâcheté n’effleure personne tant la démonstration des talents de rimeur de Ponceludon avait fait impression.
    Ils partirent à la recherche d’un « 24 sols », mais n’en trouvèrent pas en raison de la foire annuelle de la Guilde des « fèvres-couteliers ». D’humeur enjouée, Bellegarde invita son ami à dîner dans une auberge ; ils prendraient la patache du soir.
    À l’auberge du Soleil d’Or, ils durent s’asseoir à une grande table où plusieurs couteliers déjeunaient bruyamment. Seul, à la petite table voisine, un homme jouait maladroitement du violon d’un air morne. Les pleurs lamentables de l’instrument étaient presque couverts par les bruits joyeux de la taverne. Bellegarde qui — quand il n’était plus soumis à la pression mondaine — avait la gaieté tyrannique, proposa du vin au triste musicien.
    — Vous semblez en avoir besoin, l’ami !
    — Hélas oui, monsieur, répondit l’autre en acceptant un verre.
    Bellegarde s’étonna d’un ton si funèbre.
    — Benjamin Fortunat. Je suis violoniste, expliqua l’homme en montrant son instrument, et je dois jouer demain devant un protecteur des arts. Vous me voyez, messieurs, dans un grand embarras... Je ne peux tirer le meilleur de mon instrument que quand il a été préalablement « magnétisé » selon Mesmer... or je suis parti dans une grande précipitation en oubliant de faire subir ce traitement à mon violon !
    Il contempla son instrument d’un air désolé, puis regarda le marquis avec de pauvres yeux.
    — Messieurs, je vous en prie... J’ai besoin de votre aide pour magnétiser cet instrument !
    — Je croyais que la Faculté avait déclaré que

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