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Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
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ne pouvait que rapprocher deux événements aussi exceptionnels que la chute de cheval de la belle dame à ses pieds et son propre bannissement.
    Le marquis lui passa autour du cou une pancarte qui portait l’inscription « Je suis Paul » au moment où la voiture arriva, occupée par des paysans avec leurs canards, des portefaix itinérants et des nourrices chargées d’enfants. Paul grimpa à l’arrière de la voiture et, comme pour faire ses adieux il tardait à aller s’écraser au fond avec les animaux, il fut immédiatement l’objet de l’hostilité générale.
    Alors que le cocher s’impatientait déjà, Mathilde tendit au jeune garçon la montre en or qu’elle tenait de sa mère. Charlotte ne put retenir quelques hoquets de sanglots. Le marquis savait bien que sa fille aimait tendrement le garçon, mais ce geste-là était celui d’une soeur à un frère, et Bellegarde, loin d’en être choqué, en eut la gorge serrée.
    — Il sera très bien, là-bas, s’attendrit-il.
    Mathilde ne lui laissa pas longtemps le bénéfice de son attendrissement :
    — Vous disiez que ces endroits étaient des prisons.
    Le coche s’ébranla tristement, et toutes ses charpentes s’agitaient bruyamment, comme si elles étaient sur le point de céder sous le poids de la troupe des voyageurs.
    — Cet abbé de l’Épée m’a fait très bon effet, reprit le marquis. On dit son hospice excellent.
    — Un peu plus de paille, un peu moins de fouets.
    Bellegarde, qui avait tant souhaité voir l’entendement de sa fille s’ouvrir au bel esprit, supporta avec amertume cette pointe d’ironie qui le prenait pour cible.
    — Mathilde, la comtesse en fait un point d’honneur. La courtoisie m’y oblige.
    — La courtoisie ! lâcha la jeune femme, et il y avait dans sa voix un accent de dérision qui blessa mortellement le marquis.
    Ponceludon était assis sur un banc de l’Orangerie. Derrière les treillages couverts de chèvrefeuille, on apercevait les fesses d’une nymphe qui tenait son drapé de pierre trop négligemment pour être pudique.
    Le message, entouré d’une faveur, lui était parvenu le matin même par l’entremise d’un petit paysan qui s’était enfui sans répondre à ses questions. C’est là, dans cette allée propre aux songeries lascives que la comtesse de Blayac lui avait donné un rendez-vous. Combien de bâtards de princes avaient été conçus dans ces promenades retirées ? De la pièce d’eau lui parvenaient des chuchotements et des rires mêlés.
    Il avait d’abord emprunté à Bellegarde Les Amours de Latone , ouvrage licencieux en harmonie avec les lieux, mais il avait eu peur d’exciter l’ironie de la comtesse plus encore que sa curiosité ou son émoi.
    Plongé dans le Livre 1 du De Architectura de Vitruve, le jeune homme ne remarqua pas M. de Montalieri qui s’était approché de lui. Le vieil homme portait un élégant habit de velours noir comportant une cravate de soie, bien que ce tissu fût proscrit pour le deuil. Il aperçut une petite médaille qui brillait au pied du banc qu’occupait Ponceludon. C’était la médaille que le petit Léonard lui avait confiée et qu’il avait, depuis le temps, oubliée dans sa poche. Le vieil homme, avec le bout de sa canne, souleva la médaille par sa lanière de cuir. Puis il présenta l’objet suspendu au bout de sa canne devant le visage du jeune homme.
    — Ceci est-il à vous ?
    Ponceludon leva les yeux sur le petit disque de métal, et découvrit le mauvais sourire du chevalier qui le scrutait. Cette rencontre, alors qu’il attendait d’être « surpris » par Mme de Blayac, était si fâcheuse qu’il ne put dissimuler son humeur. Il s’empara vivement de la médaille qu’il fourra dans sa poche.
    — La comtesse ne viendra pas à votre rendez-vous, reprit Montalieri. Elle a une partie de piquet chez la duchesse de Lamballe.
    Ponceludon regarda le vieil aristocrate d’un air soupçonneux. Se pouvait-il que cet homme fût intime de la comtesse, jusqu’à être son ambassadeur dans une affaire galante ?
    — Entre deux coeurs, ironisa le messager, la ligne droite n’est pas le plus court chemin, monsieur l’ingénieur.
    Le jeune homme se leva, non sans brusquerie.
    — Je retiendrai votre géométrie, monsieur. Adieu.
    La canne du chevalier lui barra la retraite.
    — Mais il y aura demain chez elle un souper de gens d’esprit. Elle vous y souhaite... seul.
    Ponceludon dévisagea le chevalier et

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