Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Ridicule

Ridicule

Titel: Ridicule Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Remi Waterhouse
Vom Netzwerk:
acquiesça d’un signe de tête. Ce mystère lui faisait battre le coeur. Voilà qui était bien dans la manière des romans galants que les étudiants se prêtaient. La seule pensée de l’initiation galante à laquelle la comtesse avait décidé — pensait-il — de le soumettre, lui faisait bouillir le sang.
    — Baron, continua l’autre en baissant les yeux comme pour un aveu difficile, ma personne n’a rien pour inspirer la passion, j’en conviens...
    Il regarda soudain Ponceludon avec gravité.
    —  ... Mais à trente ans Mathilde sera une veuve riche... très riche. Avec toute la vie devant elle.
    Cette morne lucidité n’appelait pas de commentaire. La compassion ? Ponceludon ne pouvait pas en concevoir pour cet homme flétri et glacé. Il le salua et s’éloigna dans l’allée. Quand il fut hors de vue de Montalieri, il sortit la médaille de Léonard de sa poche et la regarda pensivement. Quels détours frauduleux était-il en train de faire pour secourir des malheureux qui avaient mis tous leurs espoirs en lui ?
    En dissimulant sa bonne fortune à ses hôtes, Grégoire avait le sentiment de les tromper tous les deux. Mathilde parce qu’il avait caressé ses cuisses, son père parce qu’il était son disciple et son obligé. Le lendemain soir, il soupa très peu et se retira tôt dans sa chambre. Mathilde l’imita, et le marquis resta seul dans la bibliothèque où il avait l’habitude de lire jusque tard dans la nuit. Sur le coup de dix heures, le jeune homme redescendit et s’affaira quelques instants dans le cabinet de toilette.
    Bellegarde était confortablement installé devant la cheminée, en costume d’intérieur, son vin de pruneau à portée de la main. Quand Ponceludon passa derrière lui, le marquis était absorbé par la lecture d’un volume de physiologie, et il ne put voir la tenue de sortie de son compagnon. Le jeune homme vérifia rapidement l’ajustement de ses dentelles dans le miroir, lorsque Bellegarde l’apostropha :
    — Écoutez cela, Ponceludon ! dit-il sans lever les yeux de sa lecture. « Un jeune uhlan du maréchal de Saxe dont le côté droit du cerveau avait été emporté par un boulet, fit le calembour suivant : « Je meurs en tant qu’uhlan  » Voilà qui est singulier, me direz-vous ?
    Il fut interrompu par le bruit d’une calèche qui s’arrêtait à proximité.
    — Un attelage ! À cette heure-ci ?
    — C’est pour moi, monsieur.
    Ponceludon vint se placer en face du marquis. Le costume, la perruque, les pommettes frottées de vermillon, tout cela surprit bien Bellegarde, mais comme il n’avait pas fini sa phrase, rien ne pouvait l’en détourner. Le marquis faisait partie de ces hommes qui peuvent s’interrompre dans un développement pour signaler à leur auditeur que sa perruque prend feu, mais n’en reprennent pas moins aussitôt le fil de leur propos, car rien ne saurait être plus brûlant que leur désir d’exposer leur opinion.
    — Comme chirurgien sur les champs de bataille, j’ai moi-même vu pas mal de blessures à la tête, et j’ai fait de bien étranges observations, poursuivit-il. Un blessé au front ne reconnaissait plus les visages des êtres les plus familiers, sans que soit diminué son entendement, et un autre, qui
    avait eu les deux hémisphères cérébraux séparés par un coup de sabre...
    — Monsieur, la voiture m’attend, coupa Ponceludon, et Bellegarde dut bien refréner sa verve.
    — Un rendez-vous galant, n’est-ce pas ? fit Bellegarde d’un air entendu.
    Ponceludon acquiesça modestement, et mit son chapeau.
    Quand le jeune homme fut à la porte, son ami le salua de la main avec un petit rire plein de sous-entendus.
    — Je laisserai la lanterne allumée dehors... vous l’éteindrez en rentrant. Bonne soirée !
    Ponceludon connaissait, au moins de vue, toutes les personnes présentes. Les obligés de la comtesse étaient en nombre suffisamment réduit pour se croiser souvent. Tous avaient quitté la multitude des solliciteurs de couloir pour l’état plus avantageux — et plus précaire — d’habitués du salon de Vulcain. C’est auprès de ceux à qui il ne manquait qu’un coup de pouce que la comtesse pouvait offrir sa protection au plus haut prix. Leur situation était transitoire et éphémère. Ceux qui échouaient à profiter de son aide pour se faire remarquer du roi faisaient vite figure aux yeux de Mme de Blayac d’« ennuyeux » ou de « gothiques », car ils

Weitere Kostenlose Bücher