Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
voyage de Charlotte.
     
    – Bien sûr, il ne faudrait pas que ce monsieur se fît du souci, lança Flora, ironique.
     

    Le voyage en berline, de Lausanne à Lucerne, était une expédition. Avec quatre bons chevaux et deux cochers, le père Valeyres et le jeune postillon napolitain de Charlotte, le trajet prit plus de trois journées, car les deux femmes entendaient jouir de l’excursion, des paysages, des spécialités culinaires et non pas se presser « comme lorsqu’on court la poste », avait dit Flora. Le trio logea, le premier soir, à Fribourg, le deuxième à Berne, le troisième à Wolhusen, en plein pays d’Emmental. Après le dîner, Flora eut un discret entretien avec Axel.
     
    – Que vas-tu dire, demain, à ma sœur ? Je me demande quelle tête elle va faire, en te voyant avec moi !
     
    – Je lui dirai : « Bonjour, ma chère Tignasse », et je l’embrasserai sur les deux joues, comme cela se fait ! Elle ignore que tu sais ce qui s’est passé, entre elle et moi, il y a bien longtemps. Par conséquent, elle ne sera pas troublée par ta présence, dit Axel.
     
    – Mais elle peut l’être à cause de la tienne ! Le fait de te revoir va lui rappeler, mon Dieu, quand j’y pense, son monstrueux péché !
     
    – À moins que ça ne lui rappelle d’agréables moments ! persifla Axel.
     
    L’Italienne haussa les épaules et se détourna. Son filleul la retint par le bras.
     
    – Vois-tu, Flora, ce ne sont pas nos souvenirs qui nous gênent, ce sont ceux des autres, dit-il doucement.
     
    Il croyait ainsi rappeler à l’amie de sa mère la fête des Vignerons 1819. Puis il lui offrit son bras et ils rejoignirent Charlotte. Sur les conseils de l’hôtelier, les deux femmes tenaient à voir la danse macabre peinte à fresque dans une chapelle ossuaire datant de 1661.
     

    Le lendemain matin, il ne restait que quatre lieues à parcourir dans la vallée de la Kleine Emme pour atteindre Lucerne. Les voyageurs, partis tôt de Wolhusen, arrivèrent à l’heure du repas de midi à l’auberge de la Croix-Blanche, où des chambres leur étaient réservées. Ils y retrouvèrent Tignasse et son mari, installés depuis deux jours.
     
    Contrairement à ce que craignait Flora, et un peu Axel, les retrouvailles du jeune homme avec celle qui, six ans plus tôt, l’avait déniaisé de la meilleure façon furent empreintes de naturel et de spontanéité. Seule Flora estima que les embrassades de son filleul et de sa sœur se prolongeaient un peu plus que nécessaire. L’ancienne épicière de La Tour-de-Peilz prononça la phrase inévitable, en reculant d’un pas pour mieux évaluer la taille d’Axel :
     
    – Comme tu as grandi, comme tu parais fort ! Eh bien, ta mère peut être fière d’un tel fils !
     
    – Je le suis, Rosine ! C’est un homme, maintenant ! L’homme de la famille, en quelque sorte, dit gaiement Charlotte.
     
    – Moi, je pensais bien, quand il venait chercher un sucre d’orge au Jardin des gourmandises, qu’il ferait un bel homme, ton garçon. Il avait tout pour ça, conclut Tignasse en riant, avec un clin d’œil discret à Axel.
     
    Rosine n’avait rien perdu de son alacrité et de son aimable désinvolture. À quarante-sept ans, cette femme autrefois sèche et frêle avait acquis les rondeurs qui lui faisaient défaut dans sa jeunesse, et l’opulente chevelure frisée, origine de son surnom, même niellée de cheveux blancs, lui conservait un air de fougueuse jeunesse.
     
    – Oserais-je te dire que tu es plus appétissante qu’au temps du Jardin des gourmandises ! souffla Axel, quand ils furent seuls, pour faire un compliment.
     
    Il s’aperçut, en parlant, qu’il tutoyait pour la première fois cette femme plus âgée que sa mère. Tignasse n’en parut pas surprise.
     
    – Tais-toi, Axou, je suis une vieille femme. Je me sens lourde et empotée. Je serais bien incapable, aujourd’hui, de monter à l’échelle comme autrefois, au magasin, quand tu lorgnais sous mes jupes !
     
    – Ah ! Le beau temps des sucres d’orge et des découvertes ! soupira Axel, exagérant sa nostalgie.
     
    – Es-tu heureux, au moins, avec les femmes ? Ne les fais-tu pas trop souffrir ?
     
    – Ce sont elles qui me font souffrir, dit-il en riant, pour éluder toute question.
     
    En marchant vers le restaurant où tous devaient prendre leur repas, Axel tira de sa poche un tube de carton qu’il mit sous les yeux de

Weitere Kostenlose Bücher