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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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attiré une foule considérable, venue de tous les cantons voisins, pour voir dévoiler le monument. Les personnalités fédérales et cantonales, les ambassadeurs étrangers, les envoyés du roi de France, du tsar et du roi de Prusse entouraient les familles des morts. Ne manquait que l’auteur de la sculpture, Thorvaldsen, retenu à Copenhague par la décoration de la cathédrale 5 .
     
    Quelques survivants du régiment des Gardes-Suisses, très émus, faisaient l’objet de toutes les attentions des autorités et de la curiosité respectueuse des badauds. Plusieurs de ces rares rescapés du massacre, tel Julien Mandoz, avaient revêtu, sur culotte et veste blanches, l’habit écarlate à revers, collet et parements bleu de roi qu’ils portaient aux Tuileries. Coiffés du tricorne à galon d’argent, ils arboraient la cocarde blanche, objet de l’exécration des révolutionnaires. Certains de ces uniformes montraient encore des taches de sang. Flora savait que la trace brune visible sur l’habit de son beau-frère était le sang de Pierre Mandoz, son fiancé, mort dans les bras de Julien.
     
    Comme tous les invités, Axel découvrit, au seuil de la grotte creusée, tel un antre, dans le rocher, un lion colossal de neuf mètres de long et de six mètres de haut. Le flanc percé d’une flèche, sa patte griffue posée, dans un ultime geste de protection, sur le bouclier aux armes de France, le fauve expirait devant le blason helvétique, appuyé à la paroi de son abri. Surmonté de la devise Helvetiorum fidei ac virtute , le lion de Lucerne apparut à tous les spectateurs comme le plus beau symbole de la vaillance des soldats suisses qui, au cours des siècles, avaient montré leur bravoure sur tous les champs de bataille d’Europe. Mercenaires par manque de fortune, certes, mais gens d’honneur, et fidèles, jusqu’à la mort, au drapeau choisi.
     
    Alors que, les discours prononcés, les troupes fédérales rendaient les honneurs, avec fifres et tambours, un homme de haute taille, vêtu d’une redingote noire, Légion d’honneur au revers et portant une gerbe de fleurs liées par un ruban tricolore, s’approcha avec autorité du monument. Il déposa son bouquet et, après un temps de garde-à-vous devant le lion, puis une brève inclinaison du buste du côté des autorités, se fondit dans l’assistance.
     
    – Quel est cet homme ? demanda un officiel qui se trouvait près des Veveysans.
     
    – C’est le général Fontsalte, un officier de Napoléon, dit calmement Axel.
     
    – Ce soudard, ici ! Quelle audace ! jeta Flora en entendant prononcer ce nom.
     
    Charlotte lui entoura aussitôt l’épaule de son bras.
     
    – Ce soudard, comme tu dis, est l’homme que j’aime depuis vingt ans. Il est venu rendre hommage aux victimes d’une tuerie que les vrais républicains n’ont jamais approuvée. Son geste est noble. C’est un geste de paix. Ne peux-tu comprendre un noble sentiment, Flora ? Veux-tu que je te rappelle certain jour où tu manquas singulièrement de noblesse à tous égards ? dit Charlotte, s’animant soudain.
     
    M lle  Baldini allait répliquer, mais Rosine lui prit fermement le bras.
     
    – Tous ici, nous avons, devant Dieu et devant les hommes, des choses à nous faire pardonner. Alors, tais-toi et sache que c’est avec l’assentiment de Julien et de moi-même que le général Fontsalte est venu déposer cette gerbe bien française.
     
    – Mais alors, tu savais qu’il viendrait ! demanda Flora, incrédule et furieuse.
     
    – Nous le savions tous. C’est Axel qui lui a demandé d’accomplir ce geste, avec la permission de Charlotte. Ton filleul, qui est son fils, tu fus la première à le savoir, veut que cette journée soit celle de la réconciliation pour tous.
     
    Flora se tut, posa la tête sur l’épaule de Charlotte et tendit la main à son filleul.
     
    – Vous avez bien agi, tous. Il fallait que nos rancœurs soient un jour enterrées, comme le sont Pierre et ses compagnons.
     
    Axel se dégagea. Tandis que la foule se dispersait, il se mit à la recherche de Fontsalte. Il le trouva entouré de plusieurs officiers suisses, vétérans des armées napoléoniennes. Ces hommes, qui avaient couru les mêmes dangers, connu les mêmes victoires, subi les mêmes défaites, échangeaient des souvenirs, ayant en commun ce langage particulier aux frères d’armes. Le geste de Blaise de Fontsalte, y compris le ruban tricolore, symbole de la

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