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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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vous pourriez être celle qui comblera ce vide ?
     
    Elle ne retira pas sa main. Le clair regard de la jeune fille, cherchant à fixer le déroutant regard vairon d’Axel, marqua un bref étonnement, puis livra à travers un éclair bleu la réponse attendue.
     
    – Je ne suis guère imaginative, mais c’est ce que je puis imaginer de mieux, dit-elle en lui tendant les mains.
     
    Il la prit dans ses bras et avec gravité baisa ses lèvres. Puis, ils s’assirent côte à côte, sur le banc de bois encore humide, face au lac. Axel entoura de son bras les épaules d’Élise qui, tendrement, posa sa tête sur la poitrine de l’homme qui l’avait choisie. Longtemps, ils évoquèrent leurs passés étrangers, leur avenir commun et ce fut la cloche de Rivaz sonnant midi qui les tira de cet intime échange.
     
    Ils convinrent aussitôt de ne rien révéler de leur projet avant la fête des Vignerons et d’entourer de discrétion les innocentes manifestations de tendresse qu’autorise aux secrets fiancés l’engagement amoureux.
     
    – J’inviterai votre père et votre marâtre à la fête et je ferai alors ma demande officielle au pasteur. Mais n’en dites rien. Et puis, si vous en êtes d’accord, nous nous marierons après les vendanges, comme c’est ici la tradition, proposa-t-il avec l’autorité héritée des Fontsalte.
     
    Ténèbre, fort heureusement, connaissait le chemin de Rive-Reine, car, en cette fin de matinée d’été, qui effaçait jusqu’au souvenir de la nuit d’orage, aucun des passagers du cabriolet ne tint les guides.
     

    Quand les époux Calver s’annoncèrent à Rive-Reine, Axel trouva sa sœur Blandine transformée au point, lui dit-il, qu’il eût pu ne pas la reconnaître. La fille de Guillaume n’avait plus rien de la jeune Vaudoise dodue, empruntée, à la démarche lourde et aux mollets ronds, qui avait quitté le pays treize ans plus tôt.
     
    Svelte, élégante, la peau d’une parfaite blancheur, subtilement maquillée, coiffure à la Sévigné, c’était une Américaine telle que les peignaient les portraitistes européens qui avaient traversé l’Atlantique. Blandine confia à sa mère et à Flora qu’elle prenait communément des bains de lait d’ânesse, se faisait masser par une « négresse », se frottait chaque soir les joues avec des tranches de concombre et ne mangeait jamais de viande rouge. Véritable Bostonienne, dotée de l’aisance distinguée que donnent les très selects pensionnats de l’aristocratie et l’habitude des salons, elle accepta avec grâce les compliments de ceux qui voyaient en elle l’heureuse épouse du Nouveau Monde. Le lieutenant Calver, gaillard haut sur jambes, pectoraux puissants, visage taillé à coups de serpe, posait sur le paysage, les choses et les gens, entre des cils que toutes les femmes allaient lui envier, un regard noir, velouté, étonné, conquis.
     
    – On dirait qu’il découvre qu’un monde a existé avant l’Amérique, constata Chantenoz.
     
    Dès son arrivée, Blandine se rendit avec sa mère au cimetière Saint-Martin, pour déposer des fleurs sur le caveau des Ruty. Lors des réceptions et dîners, elle se montra courtoise mais distante avec le général Fontsalte et trouva Alexandra « polie et proprette », ce qui fit sourire l’institutrice, à qui M me  Calver n’accorda, en revanche, aucune attention particulière. En attendant le commencement des festivités, Blandine fit visiter le pays de Vaud à Lewis, qui se découvrit très vite un goût impérieux pour le dézaley, ce qui, Fontsalte et Ribeyre le remarquèrent, ne parut pas plaire outre mesure à son épouse.
     
    La fête des Vignerons, partout annoncée comme l’événement vaudois du siècle, faillit être compromise, d’abord par les Bâlois, ensuite par le piétisme. Huit jours avant la fête, des troubles politiques, dus à l’échec de la révision du pacte fédéral, éclatèrent à Bâle. Les gens de Bâle-Ville, qui n’avaient jamais accepté la sécession de Bâle-Campagne, provisoirement entérinée par la Diète fédérale le 17 mars 1832, ayant décidé de marcher sur Liestal, où siégeait le gouvernement des campagnards, la Diète ordonna l’intervention des troupes fédérales. Celles-ci étant composées de miliciens de tous les cantons, des Veveysans furent rappelés sous les drapeaux pour aller occuper Schwyz-Extérieur et Bâle-Campagne. Quand on découvrit, à Vevey, que trente-quatre

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