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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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cendré, entièrement vêtue de noir et coulant des regards de biche traquée sur l’assistance. Au cours des indispensables présentations, personne ne comprit le nom de la dame. Tout le monde, en revanche, retint son joli prénom, Aricie, et admira la finesse de ses traits, ses formes parfaites et, surtout, ses yeux doux couleur châtaigne.
     
    – Eh bien, ce cachottier de Martin ne doit pas s’ennuyer ! Cette veuve, quel morceau ! souffla Vuippens à l’oreille d’Axel. Il n’y a que les pasteurs pour dénicher des femmes pareilles !
     
    Axel Métaz savait déjà à quoi s’en tenir sur le charme de Mrs. Exutoire. Martin avait présenté, la veille, son amie à Charlotte et c’est M me  de Fontsalte qui avait décidé, non sans mal, la maîtresse du professeur à venir assister « en famille » à la fête.
     
    – J’ai rarement rencontré une femme aussi bien faite et aussi ingénument inconsciente du charme qu’elle déploie, avait dit Charlotte à son fils.
     
    Quand eurent défilé, sous le soleil ardent, les jardiniers, la troupe de Palès, les vachers, les vignerons du printemps avec les effeuilleuses, la troupe de Cérès, les semeurs, les moissonneurs, la troupe de Bacchus, les vignerons d’automne et les vendangeuses, puis la noce villageoise, avant que les Anciens Suisses n’apparaissent pour clore le cortège, tous les assistants ne pensèrent plus qu’à courir se désaltérer et se restaurer dans les nombreuses buvettes et restaurants ouverts pour la circonstance.
     
    Le dîner, servi sur la terrasse de Rive-Reine, fut un succès pour Pernette, qui avait cuit pour Blandine une montagne de bricelets. L’Américaine retrouva le goût des gâteaux que lui préparait la vieille Polline quand elle était enfant. Plusieurs personnes demandèrent à Axel où il avait recruté ce majordome géant à visage de bois, mais très stylé, qui répondait au nom curieux de Lazlo.
     
    – Dans un château des Carpates, où il gardait les fantômes de ses ancêtres, répondit le Vaudois, qui détestait les indiscrets.
     
    Au cours de l’après-midi, Axel eut un long aparté avec Blaise de Fontsalte, puis avec Élise, qui depuis le matin manquait de naturel, souriait aux anges, soupirait, avait des absences et attendait le soir avec impatience.
     
    Tous les invités d’Axel, sauf les Laviron, rentrés à Genève, avaient été convoqués au carnotset familial pour onze heures, après la représentation nocturne de la fête. Ils arrivèrent en ordre dispersé, les uns fatigués, les autres assoiffés, comme Lewis Calver qui, déjà un peu gris, tenait à initier Aricie et sa belle-mère au rill de Virginie, danse que Charlotte tenait pour sautillement de sauvages.
     
    Quand tous les invités furent assis sous les voûtes fraîches du carnotset et que le meilleur vin de Belle-Ombre emplit d’or les beaux verres au chiffre du plus fameux vignoble, Martin Chantenoz porta un toast au vigneron dont c’était le jour de gloire, Axel ayant été récompensé par ses pairs.
     
    C’est alors que l’on vit Blaise de Fontsalte déployer, derrière la lourde table de chêne, sa haute stature. Le silence se fit car, si la plupart des assistants s’attendaient à entendre prononcer un autre toast, quelques-uns agitaient des souvenirs plus ou moins plaisants. Chantenoz, notamment, se retrouvait, comme en 1819, face au général à l’œil vairon. Pierre Valeyres se souvenait du scandale. C’est lui, le vieux bacouni, qui avait conduit la répudiée à Lausanne. Axel lui-même, qui voulait cette réunion en ce lieu pour exorciser à jamais le passé, fit, en un éclair, l’inventaire de tout ce qui avait découlé de cette nuit fatale de 1819. Flora, mal à l’aise, serrait, sous la table, la main de Claude.
     
    Le marquis de Fontsalte se souvenait sans amertume de cette nuit d’août 1819. Ayant parcouru lentement l’assistance du regard, il mit la main à la poche de sa jaquette. Il en retira une paire de gants beurre frais à baguettes noires, qu’il enfila posément, au grand étonnement de tous, sauf de Lewis Calver, qui, éméché, se souvint qu’un officier de marine doit toujours mettre ses gants pour prendre le quart.
     
    Fontsalte s’éclaircit la voix.
     
    – Mes amis, ce cérémonial peut vous sembler désuet, surtout dans un tel cadre, où flottent tant de souvenirs, mais il s’agit, pour ce que j’ai à dire, d’une tradition familiale que les Fontsalte ont

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