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Rive-Reine

Rive-Reine

Titel: Rive-Reine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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6 . Il a l’intention de construire, à 700 mètres d’altitude, sur l’éminence abrupte qui domine le vignoble et le lac, un immense hôtel, sur le modèle du palais parisien des Tuileries, et vingt-trois maisons. Ce village préconçu, car tout est prévu pour le confort des futurs habitants, se nommera le Belvédère du lac de Genève. Hein, qu’en pensez-vous ? Regardez un peu, si ce sera beau et flatteur pour la région ! Naturellement, nous avons besoin de commanditaires. Mais vous ferez une bonne affaire en investissant dans le Belvédère du lac de Genève.
     
    Le fait que le visiteur eût appelé le Léman « lac de Genève » déplut à Axel. Les Vaudois n’admettaient pas que les Genevois, soutenus par quelques géographes ignorants ou obséquieux, annexent un lac dont Genève n’était, disaient-ils, « que l’étroit déversoir » ! Convié pour la première fois de sa vie à examiner une proposition commerciale, le jeune homme invita le visiteur à s’asseoir, fit servir, comme l’eût fait son père, une bouteille de vin et feuilleta la brochure de l’entrepreneur.
     
    Axel Métaz connaissait le Signal de Bougy, lieu réputé par le vaste panorama qu’il offrait. Par beau temps, on pouvait voir de là-haut la côte du Léman, de Montreux à Genève, et aussi le Jura, les Alpes suisses et savoyardes et, certains jours, le mont Blanc. Lors de l’invasion autrichienne, en 1813, les soldats du général-comte Bubna y avaient établi un poste de guet. L’ambitieux projet soumis par cet entrepreneur pouvait paraître utopique, mais il illustrait bien la tendance nouvelle des hommes d’affaires, prompts à considérer le tourisme comme une future industrie suisse. Les étrangers étaient, en effet, de plus en plus nombreux à visiter la côte lémanique. Les Anglais voulaient voir le château de Chillon, auquel Byron avait consacré un poème, le pavillon du jardin d’Edward Gibbon, à la Grotte, le château de La Tour-de-Peilz, où était morte Margaret, l’épouse de William Beckford. Des Français, lecteurs de Rousseau, se succédaient à Clarens. La Nouvelle Héloïse pour guide, ils espéraient rencontrer, sous un bosquet, les fantômes de Julie et de Saint-Preux. D’autres curieux, lecteurs de Voltaire, allaient en pèlerinage à Ferney, avant de courir à Coppet, d’où ils repartaient sans avoir vu la tombe de Germaine de Staël, murée dans son mausolée.
     
    À Lausanne, les hôtels du Lion-d’Or et du Faucon ne désemplissaient pas ; à Ouchy, l’hôtel de l’Ancre et l’hôtel du Grand-Pont faisaient de belles recettes, malgré le mauvais entretien de ce port de pêche ; à Vevey, Gabriel Monnet, propriétaire de l’hôtel des Trois-Couronnes, une auberge connue depuis deux siècles, pensait sérieusement à acquérir la propriété voisine des Belles-Truches pour bâtir un palace international et, sur la place du Marché, l’hôtel de la Ville-de-Londres hébergeait autant de touristes que de négociants en vins. Sans méconnaître l’intérêt que pouvait présenter pour des actionnaires le projet du Signal de Bougy, Axel tenta d’imaginer quelle eût été l’attitude de Guillaume devant cette proposition. Nul doute qu’il se fût montré circonspect puis, suivant sa formule, eût « demandé à voir ».
     
    – Cela suppose réflexion. Je demande à voir quel accueil va recevoir votre projet auprès des banquiers et des gens qui s’engagent habituellement dans ce genre d’affaire, dit Axel, du ton assuré de celui qui a les moyens mais n’entend pas risquer son argent sans garantie.
     
    – S’ils m’y autorisent, je m’empresserai de vous faire connaître les noms des investisseurs en renom qui s’engageront au côté de l’entrepreneur, assura le visiteur en s’en allant.
     
    Le même soir, Axel rapporta à Charles Ruty la proposition reçue l’après-midi et le notaire le félicita pour sa prudence. Puis il exprima l’opinion qu’il serait sans doute plus profitable de développer la chocolaterie, créée par Guillaume quelques années plus tôt. Cette entreprise, qui ne pouvait se parer du nom de fabrique, n’occupait que deux ouvriers et ne produisait qu’une modeste part du chocolat consommé par les familles veveysannes.
     
    Tant à Vevey que dans le district, on comptait sept fabriques artisanales du même type, produisant ensemble 450 quintaux 7 de chocolat, soit 22 500 kilos par an, dont plus des trois quarts étaient

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