Robin
alerte, Guy fit stopper ses
chariots et chevaucha seul jusqu’au couple. « Pax vobiscum, leur
dit-il en s’arrêtant derrière le chariot. Que s’est-il passé ? »
Le fermier arrêta de frapper ses
bêtes et se tourna vers le chevalier. « Bonjour, sire, dit-il dans un
mauvais latin en retirant son chapeau de paille informe. Comme vous pouvez le
constater, ajouta-t-il en faisant un geste vague en direction du chariot, je
suis coincé.
— Je lui avais pourtant bien
dit de poser des planches, cria sa femme d’une voix stridente. Mais il ne
m’écoute jamais.
— La ferme,
femme ! » Puis, faisant de nouveau face au chevalier :
« Nous en avons pour un instant, ne vous inquiétez pas. » Jetant un
œil sur le convoi qui attendait derrière eux, il ajouta : « Peut-être
que si quelques-uns de vos compagnons venaient nous aider…
— Non, lui répondit Guy.
Débrouillez-vous tout seul.
— Tout’suite,
monseigneur. » Il retourna à ses amadouements, menaces et persécutions.
Guy rejoignit ses hommes.
« Nous allons nous reposer ici le temps qu’ils dégagent le gué. Donnez à
boire aux chevaux. »
Le soleil entamait sa lente
descente quand le fermier cessa de frapper son attelage en lui hurlant dessus.
Guy, croyant le chariot enfin dégagé, se précipita dans la trouée. Il y trouva
l’homme allongé dans la pente herbue qui descendait au gué, son véhicule
toujours aussi coincé.
« Vous ! Pour l’amour de
Dieu, qu’est-ce que vous faites ?
— Sire ? répondit le
fermier en se redressant promptement.
— Votre chariot est toujours
coincé.
— Oui, sire, en effet, convint
l’homme d’un air contrit. J’ai tout essayé, mais il ne bougera pas pour tout
l’or du monde, pas plus que pour de la graisse d’oie. »
Cherchant quelque chose des yeux,
le chevalier demanda : « Où est la femme ?
— Je l’ai envoyée chercher de
l’aide, sire. Vos hommes ont l’air si occupés…» Il laissa la phrase en suspens.
« Levez-vous ! hurla Guy.
Et retournez à votre attelage. Vous nous avez déjà suffisamment retardés.
— Comme il vous plaira,
sire. » Il se releva et s’éloigna en traînant les pieds.
Guy retourna au convoi et ordonna à
cinq hommes d’armes de mettre pied à terre et d’aller aider le fermier. Ils se
retrouvèrent bientôt couverts de boue, sans guère plus de résultat. Sa patience
ayant atteint ses limites, Guy envoya cinq soldats supplémentaires et trois
chevaliers leur prêter main-forte. La mare avait fini par se remplir d’hommes
et de chevaux. Les chevaliers raccordèrent le chariot à leur monture et trois
ou quatre soldats se postèrent à chaque roue pour tirer le véhicule surchargé
hors du trou dans lequel il s’était embourbé.
Avec force grincements et
gémissements, la charrette s’extirpa finalement du bourbier. Les soldats
poussèrent des vivats. Mais à l’instant même où les roues se libéraient, l’essieu
arrière rompit brutalement. Les roues se voilèrent et le véhicule retomba de
plus belle, entraînant avec lui hommes et chevaux toujours attachés à leurs
cordes. Les bœufs, incapables de garder leur équilibre, s’affalèrent l’un sur
l’autre. Prisonniers de leur joug, ils commencèrent à se débattre dans la boue
en meuglant.
Guy, qui comprenait que ses espoirs
de voir son problème se résoudre promptement sombraient dans la fange, agonit
d’insultes ffreincs l’infortuné fermier. « Libérez ces animaux ! ordonna-t-il
à ses hommes. Puis tirez cette charrette hors du chemin. »
Sept hommes d’armes se
précipitèrent sur les bœufs pour les dételer et les sortir de la mare. Cela
fait, le fermier les éloigna et demeura avec eux le temps que les soldats
vident son chariot de son fumier et le sortent péniblement de la route.
« Merci, sire ! »
cria le fermier en considérant l’épave de l’air dubitatif d’un homme qui doit
se montrer reconnaissant mais qui se sait ruiné.
« Imbécile ! »
grommela Guy. À présent que la voie était libre, il remonta la pente et fit
signe aux conducteurs d’avancer.
Quand le premier des trois
attelages fut descendu dans le vallon, qui ressemblait à présent à un marécage
retourné, Guy, ne prenant aucun risque, ordonna qu’on coupe les branches, qu’on
les écarte de la route et qu’on attache des cordes au véhicule pour aider les
charretiers à faire passer leur véhicule lourdement chargé. Tel un bateau
remorqué
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