Robin
dans le pré attenant,
où l’herbe avait considérablement poussé, il alla puiser de l’eau dans le puits
et l’apporta à l’animal. Il ramassa les offrandes sur le seuil de sa porte,
puis alluma un feu et se restaura frugalement, en méditant sur son avenir
précaire. Il s’endormit en priant pour que l’inspiration divine vienne peupler
ses rêves.
Quand le soleil du matin dispersa
la brume qui flottait sur la Wye, ladite inspiration lui apporta une réponse
partielle à ses problèmes. Toujours en sous-vêtements, il se rendit jusqu’au
puits pour se laver. Après avoir passé ses bras par les manches, il laissa la
chemise glisser le long de sa taille et s’aspergea d’eau. Le froid fouetta ses
sens et le fit toussoter. Il se sécha avec une petite étoffe de lin et demeura
là un moment, à savourer l’air doux et calme de la petite clairière qui
entourait sa cellule. Alors qu’il regardait le brouillard serpenter le long de
la rivière, il lui vint à l’esprit que quoi qu’ils fassent par ailleurs, les
chariots devraient emprunter le pont d’Hereford. Il ne lui restait plus qu’à
découvrir quand. Il pouvait se contenter d’attendre que le convoi passe devant
son oratoire sur le chemin de l’Elfael. Alors, il sellerait sa monture et
galoperait jusqu’à ses amis, avec l’espoir que cela leur laisserait assez de
temps. Bran avait dit qu’ils auraient besoin de trois jours au moins.
« Quatre seraient encore mieux, avait-il précisé. Donne-nous ces quatre jours,
Tuck, et nous aurons une chance de l’emporter. »
Il se précipita à l’intérieur pour
enfiler sa robe et lacer ses chaussures. Après avoir attrapé son bâton, il
partit en direction du centre-ville. C’était jour de marché à Hereford, mais il
semblait y avoir moins de monde qu’à l’ordinaire – surtout par un beau
jour d’été comme celui-là. La question lui tarauda l’esprit tandis qu’il
regardait les fermiers et les marchands installer leurs produits et ouvrir
leurs étals.
Alors qu’il traînait parmi les
éventaires, errant sans but ici et là, il entendit un vendeur de tissus se
plaindre à un de ses confrères du manque de clientèle. « Les affaires sont
mauvaises aujourd’hui, Michael. Mon gars, j’aurais mieux fait de rester chez
moi au lieu d’user le cuir de mes chaussures.
— Ça risque de pas être mieux
la semaine prochaine, répliqua le dénommé Michael, un vendeur de couteaux,
d’émondoirs et autres ustensiles coupants.
— Ouais, convint l’autre avec
un soupir, tu as raison. Bien raison.
— Ça ne s’améliorera pas avant
le retour du baron.
— Mes chers amis, intervint
Aethelfrith haut et fort, pardonnez-moi, je vous ai entendus parler à l’instant
et j’aurais une question à vous poser.
— Frère Aethelfrith, bonjour à
vous ! s’écria Michael. Que Dieu vous garde.
— Et vous aussi, mon fils.
Pouvez-vous m’expliquer pourquoi il y a si peu de monde au marché
aujourd’hui ? Où sont-ils tous ?
— Eh bien, répondit le
marchand de tissus, c’est à cause du conseil, aussi sûr que le samedi précède
le dimanche.
— Le conseil ? s’étonna
Aethelfrith. J’ai dû m’absenter pour affaires et viens à peine de revenir. Le
roi a organisé un grand conseil ?
— Non, mon frère, répondit le
drapier. Ce n’est pas un conseil royal, juste un régional. Neufmarché a
convoqué une assemblée de tous ses nobles…
— Et de leurs familles,
le coupa Michael, le coutelier. Quelque part au-delà des Marches. On aurait
mieux fait de les accompagner là-bas.
— Vraiment ? fit le
prêtre d’un ton songeur. Je n’en ai pas entendu parler. »
Désœuvrés, les deux marchands ne
furent que trop contents de lui raconter ce qu’il avait manqué : la
violente bataille qui avait opposé les Ffreincs au roi gallois Rhys ap Tewdwr,
la défaite écrasante de ce dernier, et la prompte conquête du Deheubarth par
les troupes du baron. « Neufmarché a convoqué un conseil pour mettre un
peu d’ordre dans tout ça, vous comprenez ? » conclut le coutelier.
Le frère trapu hocha la tête, les
remercia, puis demanda : « Vous savez quand ils sont partis ? Et
quand commence le conseil ? »
Le drapier haussa les épaules.
« Je ne saurais le dire, mon frère.
— Eh bien, si je ne me trompe
pas, dit Michael, il n’a pas encore commencé.
— Vraiment ?
— Je ne vois pas
comment. » Michael prit un petit couteau de cuisine et
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