Robin
caverne.
Elle prit un rameau recueilli durant l’été et d’un geste habile émietta les
feuilles sèches entre ses paumes au-dessus du bouillon. L’arôme de sa potion se
faisait de plus en plus piquant dans l’air lourd de la grotte.
De temps à autre, elle jetait un
œil au ballot couvert de mousse qui gisait sur un lit de branches de pin
recouvert de peaux de cerf. Parfois, l’homme qu’elle accueillait gémissait
doucement, mais la plupart du temps il dormait aussi silencieusement qu’un
mort. Au moins les onguents médicinaux qu’elle savait préparer lui
apportaient-ils quelque soulagement, sinon plus.
Quand l’infusion fut prête, elle
retira le chaudron du feu et le porta sur un rocher tout proche, afin de le
laisser refroidir. Puis, après avoir pris une brassée de brindilles dans le tas
qui se trouvait juste à l’entrée de la grotte, elle alla reprendre sa place
auprès du feu.
« Une pour le Grand Roi sur
son trône si blanc », dit-elle en jetant une des petites branches dans les
charbons ardents. Elle attendit que la brindille s’enflamme pour en prendre une
deuxième. « Deux pour le Fils que le Roi engendra. »
Le curieux rituel continua un
moment – chaque branche expédiée dans les flammes était accompagnée d’un
petit vers enfantin psalmodié en rythme –, et cette simple mélopée
atteignait le jeune homme dans son sommeil douloureux.
Trois pour l’Oie Errante rapide et
sauvage.
Quatre pour Pangur Ban le chat.
Cinq pour les Martyrs immaculés -
Oui, cinq pour les Martyrs immaculés.
Elle s’arrêta un moment pour mettre
une main en coupe au-dessus du feu et laisser la fumée s’amonceler. Puis elle
tourna ses paumes vers le ciel, ce qui libéra un petit nuage blanc. Comme la
fumée se dispersait dans la caverne, elle reprit sa mélopée :
Six pour les Vierges qui observent et
attendent.
Sept pour les Bardes dans leurs
châteaux de chêne.
Huit pour les taches sur la cape de
Padraig.
Neuf pour les lépreux à la porte.
Dix pour la pure lumière des rayons
de l’Amour.
Oui, dix pour la pure lumière des
rayons de l’Amour.
Bien que le jeune homme ne
s’éveillât point, le débit monotone des mots parut l’apaiser. Sa respiration se
ralentit et devint plus profonde, ses muscles raides se décontractèrent.
Angharad en sourit d’aise.
Elle alla vérifier la température
de la potion dans le chaudron : toujours chaude, la mixture avait cessé de
bouillonner. Elle en porta jusqu’à la couche de Bran en se servant de la grosse
bouilloire en cuivre, rapprocha le tabouret à trois pieds et commença à retirer
doucement les peaux qui recouvraient le jeune homme.
Sa peau était terne et cireuse, ses
blessures violettes et vilaines. Le côté droit de son visage était gonflé et
jauni. Les marques de dents sur son bras, là où le chien avait refermé sa
mâchoire, formaient une blessure en demi-cercle profonde mais propre –
tout comme l’estafilade entre ses épaules. Aussi douloureuses qu’elles pussent
être, aucune ne mettait sa vie en danger. C’était plutôt l’entaille irrégulière
au centre de sa poitrine qui l’inquiétait. La lame de fer n’avait pas crevé un
poumon, pas plus qu’elle n’avait percé le cœur, mais la tête de la lance avait
profondément enfoncé un morceau de sa tunique et des poils de chien dans la
coupure. Ce qui, si elle devait en croire son expérience, pouvait faire
suppurer et infecter des blessures même mineures, avec pour conséquences de la
fièvre, du délire, et au final la mort.
Dans un soupir, elle posa le bout
de ses doigts sur le gonflement bulbeux. La chair était brûlante, du sang pâle
et du pus jaune en suintaient. Il avait erré quelques jours avant qu’elle ne le
trouve, et ses blessures avaient déjà commencé à rancir. Aussi s’était-elle
donné beaucoup de mal afin de préparer l’infusion appropriée pour laver la
plaie. Elle avait également rassemblé les instruments nécessaires pour élargir
celle-ci et retirer avec le plus grand soin la moindre bride de matière
étrangère.
Angharad s’était attendue à ce
qu’il vienne à elle blessé. Elle avait prédit le combat et en connaissait
l’issue, mais les blessures qu’il avait subies allaient grandement éprouver ses
talents de guérisseuse. Il était fort, il pouvait compter sur la puissance de
sa jeunesse ; il en aurait besoin, et de bien d’autres choses encore, s’il
venait à
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