Robin
la poitrine des mains pour essayer de se
réchauffer. La nuit, il se mettait au lit juste après le souper, s’enfonçant profondément
sous les toisons, peaux et capes qui lui servaient de couvertures dans sa
chambre froide et humide mal isolée du vent.
Ce matin même, à son réveil, il
avait découvert atterré que du gel s’était formé sur lui pendant la nuit. Il
s’était aussitôt fait le serment de ne pas dormir une nuit de plus dans cette
pièce. Si cela impliquait qu’il rejoigne les serviteurs et les chiens devant le
foyer de la grande salle, eh bien qu’il en fût ainsi. Il n’avait un tant soit
peu chaud que lorsqu’il s’asseyait dans son fauteuil devant l’âtre, les bras et
les jambes étendues face au feu – une position qu’il ne pouvait conserver
que quelques instants. Mais c’étaient des moments de pure félicité dans ce rude
hiver qui semblait devoir durer éternellement – davantage un supplice
qu’une saison.
Lorsque enfin la lumière eut
décliné au point de ne plus permettre au géomètre de lire la carte qu’il était
en train d’établir, les constructeurs décidèrent d’arrêter pour la journée et
de retourner à Caer Cadarn. Le comte fut le premier à faire pivoter son cheval
pour prendre la direction de la forteresse. Quand celle-ci fut en vue, les
cieux s’ouvrirent et une pluie battante commença à tomber en trombes. Falkes
fouetta sa monture et couvrit le reste de la distance au galop. Une fois la
longue rampe avalée et les portes passées, il découvrit dans la cour une
demi-douzaine de chevaux inconnus attachés à la corde qui longeait l’écurie.
« Qui est là ?
demanda-t-il au palefrenier en chef tandis qu’il lui jetait les rênes de sa
monture.
— Le baron Neufmarché
d’Hereford, répondit le valet. Il vient à peine d’arriver. »
Neufmarché, ici ? Mon
Dieu ! Ça n’augure rien de bon, pensa le comte. Qu’est-ce qu’il
peut bien me vouloir ?
Retraversant en hâte la cour gorgée
d’eau, Falkes pénétra dans la grande salle mouillé jusqu’aux os. Là, debout
devant le foyer irradiant, se trouvait le compatriote et rival principal de son
oncle, accompagné de cinq de ses hommes, tous des chevaliers. « Baron
Neufmarché ! » s’écria Falkes. D’un haussement d’épaules, il se
débarrassa de sa cape détrempée et la lança à un serviteur. « Quel plaisir
inattendu », brailla-t-il en essayant de paraître plus enjoué qu’il ne
l’était effectivement. Il fonça sur l’âtre et frotta ses longs bras pour les
réchauffer. « Bienvenue ! Bienvenue à vous tous, messires !
— Mon cher comte de Braose,
répondit le baron avec un salut de courtoisie. Je vous prie de bien vouloir
pardonner cette intrusion : nous étions en route pour le nord, mais ce
mauvais temps nous a contraints à chercher un abri. J’espère que nous n’abusons
pas de votre hospitalité.
— Voyons, répondit Falkes avec
une cordialité feinte, j’en suis honoré. » Il remarqua les coupes dans les
mains de ses hôtes. « Je vois que mes serviteurs ont rempli leur office. Bien*.
— Oui, votre sénéchal est des
plus serviable », lui assura le baron. S’emparant d’une coupe
supplémentaire, il la tendit au comte. « Tenez, venez boire et vous
réchauffer près du feu. Le temps ne s’est guère montré clément avec
vous. »
Bien qu’ayant la désagréable impression
d’être un invité dans sa propre maison, Falkes remercia le baron et accepta la
coupe. Il tira du feu un tisonnier qu’il plongea dans le vin. Le fer chauffé à
blanc se mit à grésiller. Le comte leva sa boisson fumante. « Au roi
William ! » Plusieurs coupes plus tard, lorsqu’ils se furent tous
assis ensemble devant le repas, de Braose finit par découvrir la raison qui
avait conduit le baron à sa porte – une raison qui n’avait rien à voir
avec la pluie.
« Voilà longtemps que je
souhaite rendre visite au comte de Rhuddland, l’informa le baron en piquant un
morceau de rôti avec son couteau. Je n’aurais sans doute pas dû attendre que
l’automne soit si avancé, mais les affaires de la cour m’ont retenu à Lundein
plus longtemps que je ne l’avais escompté. » Il haussa une épaule. « C’est
la vie*. »
Le comte Falkes s’autorisa un petit
sourire entendu ; il savait que le baron Neufmarché avait été sommé par le
roi William de rester à Lundein pour l’assister et qu’il avait dû repousser de
quelques
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