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Robin

Robin

Titel: Robin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Stephen R. Lawhead
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alors son
apparition. Le dos voûté et le visage évoquant une pomme ratatinée, la vieille
sorcière retirait du feu la marmite gargouillante et boitait jusqu’au lit du
défunt. Elle se penchait pour regarder son visage d’un air inquiet. Elle
déposait soigneusement le chaudron puis s’asseyait en tailleur sur le sol
devant le corps. Elle se mettait alors à chanter en se balançant d’avant en
arrière. Bran pensait avoir déjà entendu cette chanson, mais il n’aurait pu
dire où. Et puis, sans coup férir, le rêve prenait fin – toujours au même
moment. Le blessé et la vieille femme disparaissaient simplement dans une
aveuglante brume blanche, et Bran se retrouvait dans le noir à la place de
l’estropié.
    L’irrésistible sympathie que Bran
éprouvait à l’égard de l’infortuné rendit la pénible transformation moins
bouleversante qu’elle ne l’aurait dû. Non seulement il se sentait désolé pour
le jeune homme, mais il ne pouvait s’empêcher de penser qu’ils avaient été amis
autrefois. En même temps, les intrusions de la repoussante vieille femme
venaient contrarier ce sentiment. Sans sa présence, s’imaginait Bran, le blessé
et lui auraient été libres de quitter cet endroit sombre pour parcourir à
volonté les champs de lumière.
    Il connaissait l’existence de ces
lointains champs pour les avoir entrevus fugitivement dans d’autres rêves. La
plupart du temps, il volait au-dessus d’un paysage de collines délicatement
bombées qui s’étendaient à perte de vue, sur lequel de merveilleux rais de
lumière, délicats et cristallins, faisaient jouer leurs couleurs toujours
changeantes – comme si la douce brise d’été était sans raison devenue
visible et dérivait au-dessus des hautes herbes en se teintant d’une variété
infinie de couleurs, au plus grand bonheur de ses spectateurs. Et ce n’était
pas tout, car une douce musique flûtée accompagnait les couleurs joyeuses,
enjouée comme un cacardement d’oie dans la brise, lointaine comme l’écho d’un
chuchotement. Mélodieux, doux et profond, elle passait progressivement d’une
note à la suivante dans une parfaite harmonie.
    La première fois qu’il vit les champs
de lumière, il sentit son cœur se briser d’émotion ; il n’aspirait à rien
d’autre qu’à aller explorer cet endroit merveilleux, mais quelque chose l’en
empêchait. Lors d’un de ses rêves, il se précipita en direction de ces champs
splendides. Il semblait enfin sur le point de les atteindre quand la vieille
femme surgit devant lui. Il s’agissait bien d’Angharad – il la reconnut
grâce au rapide coup d’œil qu’elle lui jeta de son œil sombre – mais ce
n’était plus l’hideuse sorcière qui vivait dans son trou lugubre. Disparus son
dos voûté et ses cheveux filasse emmêlés et crasseux, disparus ses membres
ratatinés, sa robe sans forme au tissage grossier. La femme devant lui était la
beauté incarnée. Les boucles de ses cheveux étaient longues et dorées, sa peau sans
défaut, douce et souple ; elle portait une robe tissée en samit blanc
scintillant garnie d’hermine ; elle avait des pantoufles en soie écarlate,
ornées de minuscules perles. Elle le fixait de ses grands yeux sombres avec un
air de légère désapprobation. Bran s’apprêtait à la contourner quand elle leva
sa main pour l’arrêter.
    « Où comptes-tu aller, mo
croi  ? » lui demanda-t-elle d’une voix qui lui fit l’effet d’un
doux rire.
    Il ouvrit la bouche pour formuler
une réponse, mais ne parvint pas à émettre le moindre son.
    « Viens avec moi à présent,
dit-elle avec un sourire. Le temps n’est pas encore venu de partir. »
    Elle lui toucha délicatement le
bras pour l’inviter à la suivre. Il résista, les yeux toujours fixés sur les
champs au-delà.
    « Mon bien-aimé, reprit-elle
en collant ses lèvres pulpeuses à son oreille, là-bas demeurera la prairie,
mais tu ne pourras point t’y rendre. Viens, il te faut repartir. Nous avons à
faire. »
    Ainsi l’éloigna-t-elle de la
lisière du champ, de l’obscurité accueillante et du lent martèlement de la
pluie. Plus tard – il n’aurait su dire combien de temps s’était
écoulé – Bran entendit chanter. C’était la voix qu’il percevait en rêve,
et cette fois il ouvrit les yeux. Des ombres imprécises bougeaient doucement
sur les murs de pierre de la chambre primitive.
    Lentement, il tourna la tête en
direction du son ; elle se

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