Robin
de matériel, qui s’occuperait de la construction
proprement dite ?
— Rassurez-vous. Vous vous
faites du souci pour rien. Ne vous ai-je pas déjà expliqué que nous allions
utiliser autant de bâtiments déjà existants que possible ? Nous nous en
contenterons pour commencer et n’ajouterons que le strict nécessaire.
Rappelez-vous, je n’ai pas besoin d’une ville – un petit bourg fera
l’affaire.
— À quels bâtiments existants faites-vous référence ?
— Eh bien, répondit le comte
avec une patience exagérée, à ces bâtiments déjà édifiés – l’église et ses
dépendances, par exemple.
— Mais… mais…, s’étrangla
l’évêque. C’est de mon monastère dont vous êtes en train de parler !
— Oui*, convint
placidement le comte. Nous commencerons là-bas. Ce genre d’édifices peut
aisément être adapté pour d’autres usages. Il nous suffira d’ériger quelques
maisons, une salle du marché, une forge et deux ou trois autres choses. Votre
monastère accueille… quoi, une misérable poignée de moines ? Ma ville va
devenir un centre de commerce et de prospérité pour la vallée entière. Je ne
vois pas où est le problème.
— Le problème, comte de
Braose, répondit l’évêque en s’efforçant de ne pas élever la voix, c’est que je
n’aurai plus de monastère.
— Votre monastère n’a plus
d’utilité, affirma le comte. Nous avons besoin d’un bourg, pas de moines.
— Ce monastère existe dans
cette vallée depuis onze générations », fit remarquer Asaph. Il leva les
mains et secoua la tête avec véhémence. « Non. Je ne présiderai pas à sa
destruction. Hors de question. »
Le franc refus obstiné de l’homme
d’église irrita de Braose, qui sentit une vague de colère l’envahir. D’une voix
froide, il fit : « Au contraire*, monseigneur, c’est bien là
la question. Vous comprenez, il nous faut une ville, et au plus vite. Des gens
vont venir s’installer dans la vallée ; nous en avons besoin. »
Il marqua une pause pour se
reprendre, puis poursuivit sur un ton plus conciliant : « Les
manœuvres seront choisis parmi les habitants de la vallée, et les matières
premières viendront des bois et des gisements de pierre de l’Elfael. J’ai déjà
entrepris la réquisition des outils et des équipements nécessaires, ainsi que
celle des bœufs et des chars pour le transport. Tout ce dont vous aurez besoin
vous sera également fourni. Le reliquat, conclut-il, vous servira à
approvisionner les hommes. Ils devront se mettre au travail dès que les
dernières neiges auront fondu. Est-ce clair ?
— Quels hommes comptez-vous
me faire commander ? interrogea l’évêque, toujours sous le coup de la
colère d’avoir été chassé de son monastère bien-aimé. Car il n’y en a pas, le
rembarra-t-il, juste une misérable poignée de moines.
— Les Gallois, dit Falkes. La
population de l’Elfael, vos compatriotes, voilà à qui je pense.
— Il n’y a plus d’hommes en
Elfael, se moqua l’évêque. Les meilleurs ont été assassinés alors qu’ils se
rendaient à Lundein, ajouta-t-il d’un ton plein de sous-entendus, et les autres
ont fui. Les seuls à être restés n’avaient nulle part où se rendre, et s’ils
ont un minimum de bon sens, ils quitteront eux aussi la vallée. »
Le comte lui lança un regard
furieux. « Restez courtois, prêtre. Le sarcasme ne vous mènera nulle part.
— Comte de Braose, insista
l’évêque, tous les hommes valides ont réuni leurs familles et leurs troupeaux
et ont fui la vallée au moment même où vous et vos hommes êtes arrivés. Il n’y
a pas d’hommes.
— Eh bien vous allez devoir en
trouver, dit Falkes, que la mauvaise volonté de l’évêque à voir les choses de
son point de vue lassait profondément. Peu m’importe comment vous vous
débrouillerez, mais je vous garantis que vous le ferez.
— Et si je refuse de vous
aider dans cette affaire ?
— Dans ce cas, menaça Falkes
d’une voix chuchotante, vous apprendrez vite ce qu’il en coûte de se montrer
déloyal à mon égard. Je vous assure que vous trouverez ça extrêmement
déplaisant. »
L’évêque Asaph n’en crut pas ses
oreilles. « Vous menacez un prêtre de Jésus-Christ ? »
Le jeune comte haussa les épaules.
« Et cela… après que je vous
ai remis le trésor du roi ? Voilà comment vous me récompensez ? Nous
avions convenu que vous ne toucheriez pas à l’église.
Weitere Kostenlose Bücher