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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Les
autres sont retournés au travail, penauds et contrits ! Non, mon cher
Martin, tant qu’il n’y aura que des trublions de cette espèce et, en face d’eux,
des citoyens décidés à protéger leur quiétude, nous n’aurons pas de révolution
à redouter, dit Élise avec assurance.
    — Dieu vous entende, ma chère fille, commenta Charlotte.
    Les premiers jours de janvier 1842 furent marqués par
un événement que le rédacteur de la Veveysanne qualifia avec exagération
de « combat naval ». L’affaire, qui divertit fort les Vaudois, eut
pour théâtre le lac Léman, devant la grève de Promenthoux, près de Nyon. Une
barque, montée par quatre Savoyards, avait accosté, et ses occupants, ayant mis
pied à terre, s’activaient pour charger du sable et du gravier. En agissant ainsi,
ils entraient en infraction avec les consignes gouvernementales interdisant « que
l’on dégarnisse les rives des matériaux nécessaires à l’entretien des routes
cantonales ». Sable et gravier étant rares, les agents voyers devaient
trop souvent faire extraire et concasser des pierres, ce qui donnait lieu à des
frais importants. C’est pourquoi la maréchaussée veillait jalousement à la
protection des matériaux gratuitement fournis par le Léman. Un gendarme, ayant surpris
les Savoyards en plein travail les interpella et leur intima l’ordre de se
retirer, sous peine d’amende. Non seulement les bateliers étrangers ne tinrent
aucun compte de l’avertissement mais ils insultèrent et menacèrent durement le
gendarme, tandis que le patron de la barque, allant quérir son fusil, le chargeait
et tirait sur le représentant de l’ordre, éberlué. Ayant senti le vent de la
balle, le gendarme, armé de la carabine réglementaire, riposta aussitôt, sans
toucher le Savoyard qui rechargea son fusil avec l’intention de mieux ajuster
son tir. Le Vaudois crut sage d’aller quérir du renfort et, une demi-heure plus
tard, une chaloupe, montée par trois robustes gendarmes rameurs commandés par
un sergent intrépide, sortit du port de Nyon et longeant la côte de Prangins, vint
surprendre les Savoyards, toujours occupés à remplir leur bateau. À la vue du
vaisseau de la maréchaussée, les délinquants se hâtèrent de hisser la voile
pour gagner le large. Après une poursuite, au cours de laquelle les biceps des
gendarmes l’emportèrent sur la brise lacustre, les fuyards, craignant d’être
tirés comme des canards par les braves militaires vaudois, amenèrent leurs
voiles et baissèrent pavillon. Capturés avec leur barque, les quatre étrangers
furent conduits à Nyon et immédiatement enfermés dans la prison du château. Pour
pimenter l’aventure et valoriser l’exploit de la gendarmerie, on fit courir le
bruit, sur le port de Nyon, que des amis des bateliers incarcérés étaient en
route pour venir les délivrer. Les veilleurs, postés toute la nuit sur la côte,
attendirent vainement l’apparition d’une escadre savoyarde.
    Aux sourires et quolibets que suscita le « combat naval
de Nyon », succéda, en février, un grand moment de tristesse. La mort, à
Lausanne, d’Henri Durand, jeune poète veveysan de vingt-quatre ans, affligea
tous ceux qui appréciaient son talent, sa piété profonde et sa gentillesse. Élève
du collège de Vevey puis étudiant de l’auditoire de Belles-Lettres de l’Académie
de Lausanne, il avait quitté Vevey en 1840 pour étudier la théologie à Tübingen,
capitale du Wurtemberg. Rentré malade de son séjour étranger, il n’avait cessé
de décliner, sous l’effet d’une atteinte de poitrine. Chantenoz, qui avait été
l’un de ses maîtres, se rendit aux obsèques du jeune poète et entendit les
étudiants de la Société de Zofingen, dont le disparu avait été un animateur, entonner
l’hymne écrit par Juste Olivier, après que le professeur Alexandre Vinet eut
prononcé l’oraison funèbre.
    Au soir de cette journée de deuil, Martin Chantenoz s’arrêta
à Rive-Reine où l’attendait Aride. Après avoir rapporté les funérailles du
poète, au cours desquelles il avait revu bon nombre de ses anciens collègues de
l’Académie, le professeur s’épancha :
    — Les meilleurs vers de Durand sont ceux qu’il a dédiés
au Léman, à notre Léman. Écoute, petit Vincent, dit-il en attirant contre lui
le fils aîné d’Axel.
    Et il se mit à réciter devant l’enfant, attentif :
     
    —  Léman, roi de nos lacs ! dont le bord

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