Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
Rive-Reine.
    À l’invitation du propriétaire, les hôtes furent conviés à
revenir dans le hall, qu’ils n’avaient fait que traverser. On y servait maintenant
des rafraîchissements, ce qui donna le temps aux Métaz et à leurs amis d’apprécier
l’architecture intérieure de l’hôtel, inspirée, disait-on, par M. Gabriel
Monnet au maître d’œuvre. Aux deux extrémités de ce grand salon dallé d’une
mosaïque de marbres colorés, qui s’étirait sur toute la longueur du bâtiment, des
cheminées de marbre blanc surmontées de grandes glaces et deux fontaines, dont
les eaux chuchotaient en chutant mollement dans des vasques d’albâtre, créaient
un agréable sentiment d’intimité et de confort. Mais, levant les yeux, ce qu’admirèrent
le plus les invités fut l’immense verrière cloisonnée qui coiffait les quatre
étages, à quarante-cinq pieds au-dessus du hall de réception. Sur le pourtour
de cette nef, ruisselante de lumière, couraient, à chaque étage, de larges
galeries supportées par d’élégantes colonnes. Ces promenoirs, flanqués de
balustrades ouvragées, ouvraient sur les appartements et les suites côté lac, ou
sur les chambres côté ville [153] .
Murs crème, pilastres de stuc et chapiteaux à filets d’or, escalier monumental
à rampe de cuivre sur fer forgé, boiseries d’acajou, lustres à pendeloques de
cristal, uniforme vert bouteille des chasseurs, gilet rayé de jaune des valets,
queue-de-pie des maîtres d’hôtel, veste blanche des serveurs, robe noire à collerette
brodée et diadème de dentelle amidonnée des femmes de chambre : tout
respirait le luxe, l’opulence de bon ton, le raffinement, le bien-être.
    — Un tel palais manquait à notre ville, monsieur. La
cuisine est en tout point digne du décor, et le service de qualité. Nul doute
que les têtes couronnées vont affluer chez vous, ce qui sera une bonne chose
pour la réputation de Vevey, dit Axel en prenant congé du maître de céans, à l’issue
d’un excellent dîner.
    — Une bonne chose, aussi, pour les affaires, dit le
premier bijoutier de la ville, approuvé par plusieurs commerçants.
    — À propos de têtes couronnées, nous avons, depuis
quelques jours, à Vevey, les enfants de la reine María Cristina d’Espagne et de
M. Muñoz, son époux morganatique. La reine et son mari, qui sont
actuellement à Paris, ont été tellement séduits par notre petit coin qu’ils
auraient l’intention d’acheter un terrain pour construire un palais, dit un
municipal.
    Comme chaque fois qu’il était question d’une famille royale,
Charlotte intervint.
    — Comme elle doit être malheureuse d’être séparée des
filles qu’elle eut du roi Fernando VII, cette mère. On dit que ce général
Espartero, vainqueur des carlistes et partisan d’Isabel II, la jeune reine,
fille aînée de María Cristina, a forcé celle-ci à lui céder la régence et qu’il
retient prisonnières Isabel et sa sœur, Luisa Fernanda, dit Charlotte, apitoyée.
    — Mais, ma chère Dorette, Agustín Fernando Muñoz, officier
de la Guardia de Corps, un fort bel homme, que la María Cristina au tempérament
de feu épousa en secret trois mois après la mort de Fernando VII, lui a
donné plusieurs autres enfants. Ce sont ceux qu’ils nous ont laissés à Vevey, précisa
Blaise.
    — Nous irons les voir, ces pauvres petits, décida Flora,
aussitôt approuvée par son amie.
    Annette Bonnaveau, ancienne cuisinière devenue
épicière-poète, personnalité locale aimée de tous les Veveysans, chez qui les
messieurs allaient acheter leurs cigares, avait assisté à l’inauguration des
Trois-Couronnes. Elle livra, quelques jours plus tard, la saynète que la visite
de l’hôtel lui avait inspirée, sous le titre l’ Anglais et le Veveysan, ce
qui amusa beaucoup ses lecteurs.
    L’Anglais ayant demandé s’il pourrait loger à l’hôtel des
Trois-Couronnes s’entendait répondre :
     
    Monsieur, l’hôtel, quoique très vaste,
    Maintenant est toujours plein,
    Allez-y donc en toute hâte,
    Et n’attendez pas à demain.
     
    Et, comme l’étranger se renseignait sur les monuments à
visiter, s’étonnant que Vevey fût vantée dans le guide Murray, le Veveysan
déclamait :
     
    La raison la
voici, Monsieur ! Dans notre ville
    Nous
sacrifions tout à l’embellissement ;
    Et préférant
toujours l’agréable à l’utile,
    Nous marchons
à grands pas au perfectionnement ;
    Quant aux
monuments, aux

Weitere Kostenlose Bücher