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Romandie

Romandie

Titel: Romandie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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rivalités politiques menaçaient de virer à la haine. Des
banquiers ultramontains avaient déjà réussi à mettre en faillite un
quincaillier et un liquoriste, ardents militants fazystes !
    Le canton de Vaud – certains citoyens attentifs et
informés, comme Axel Métaz et ses amis, le soupçonnaient – vivait une
période d’attentisme politique. Lors de l’affaire d’Argovie, le Grand Conseil
avait délégué à la Diète extraordinaire, réunie à Berne, à la demande de cinq
cantons catholiques, Henri Druey et Benjamin Weiss, deux radicaux.
    Au risque de décevoir ses partisans, Druey n’avait pas
approuvé les radicaux argoviens et s’était prononcé pour le respect du Pacte
fédéral. Tout en admettant que le gouvernement d’Argovie eût le droit de fermer
les établissements religieux qui menaçaient sa sécurité intérieure, il avait
voté la réouverture des couvents, sauf ceux de Muri et Wettingen, que l’on
disait compromis dans l’insurrection paysanne de janvier. En revanche, il avait
exigé que les ressources provenant de la sécularisation des biens conventuels
fussent affectées à des institutions catholiques. Ceux qui le savaient partisan
de la laïcisation de l’enseignement et de « la séparation confessionnelle
des Églises pour ce qui concerne la religion seulement », ne furent pas
étonnés de cette attitude. Cependant celle-ci mécontenta les gouvernements des
cantons à majorité radicale et libérale Cela valut au politicien vaudois d’être
caricaturé en capucin par le Charivari, et l’on vit parfois des crayons
anonymes ajouter, sous la devise du canton de Vaud – Liberté et Patrie –,
le mot Moine ! Mis en minorité au Grand Conseil vaudois, Druey, qui se réservait
pour d’autres combats, avait rendu son mandat de délégué à la commission
spéciale nommée par la Diète pour étudier le litige argovien.
    Au cours des fêtes de fin d’année, Axel constata que Druey
avait, au moins, le mérite de réunir dans une même détestation Élise, la
protestante, qui reprochait au tribun de s’être montré trop favorable aux
nonnes et aux moines fauteurs de troubles, et Charlotte soutenue par Rosine et
Flora, les trois catholiques daubant sur l’hypocrisie politicienne d’un homme
qui ménageait la chèvre et le chou par souci électoral.
    Le docteur Vuippens n’éprouvait pas une sympathie
particulière pour le meneur radical mais approuvait ce dernier quand il soutenait
que l’État devait être organisé sans tenir compte de la religion des citoyens.
    — Le peuple suisse, qu’il soit argovien, vaudois, bernois,
valaisan, genevois ou d’autres cantons, n’est pas mûr pour accepter ce que la
sagesse politique commande : la séparation de l’Église et de l’État, dit
le médecin.
    — Je trouve que Druey fait preuve de lucidité et de
courage, même si des arrière-pensées électoralistes conditionnent, en partie, son
action. Il a condamné le sectarisme des radicaux argoviens qui excitent les
passions religieuses. En fait, il redoute ce que peu de gens voient venir :
la sécession des cantons catholiques. Croyez-moi, mes amis, l’affaire d’Argovie
est le premier acte d’une révolution qui trouvera, ailleurs, son aliment, lança
Chantenoz.
    — Encore une révolution, Martin ! Tu ne sais promettre
autre chose ! s’écria Charlotte.
    Cette nouvelle prophétie pessimiste du professeur, tombant
dans l’euphorie d’une fin de journée où l’on avait bien mangé et bien bu, déchaîna
l’hilarité.
    — Nous en reparlerons l’année prochaine, si je suis
encore là pour savourer mon triomphe ! lança, d’un ton rogue, le mari d’Aricie.
    Comme personne ne relevait, il poursuivit avec véhémence :
    — D’ailleurs, n’est-ce pas un indice du mécontentement
que la grève et les violences de nos ouvriers tailleurs veveysans, en novembre
dernier ? Rappelez-vous, ils étaient quarante, excités par un de leur
corporation venu de Neuchâtel. Ils ont abandonné leurs ateliers et signifié
avec brutalité à leurs patrons qu’ils voulaient une augmentation de salaire d’après
le tarif qu’ils avaient remis au préfet. C’est seulement quand ils ont injurié
et menacé de leur poing leurs compagnons qui continuaient de travailler, que
les autorités ont réagi, rappela Martin.
    — En deux jours, tout a été réglé. Une vingtaine de ces
braillards ont été expulsés de la ville, certains sans payer leur logeur.

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