Sachso
Français, qui se réunissaient le dimanche pour entretenir la cohésion et le moral, se développent en particulier sous l’impulsion d’André Bergeron du hall 8.
René Pellen apprécie des concerts donnés par le petit orchestre du kommando, composé en majorité d’Allemands et de Polonais et où son ami Armand, soudeur au hall 6 et surtout violoniste tzigane, se distingue. Mais il goûte encore plus, en cette année 1943, une représentation au réfectoire du hall 8 : « Ah, ce sketch muet avec cris et rugissements ! Sur le rideau est accroché un écriteau : “Cirque. On demande un dompteur pour lion méchant”. Se présente d’abord un grand gaillard. Un énorme P sur son triangle indique qu’il est Polonais. D’allure martiale et surtout avide de soupe, il pénètre aussitôt dans les coulisses où doit se trouver la cage. On ôte la pancarte. Un vague grognement, puis le silence… On raccroche la pancarte.
« Arrive un colosse allemand d’allure brutale, un Prominent à triangle vert. Il faut sûrement prélever pain et soupes sur nos maigres rations pour avoir une telle carrure… et surtout beaucoup de rembourrages factices pour amener un Français à ce volume ! D’une démarche assurée, il entre à son tour. La pancarte disparaît tandis que le lion rugit à plusieurs reprises dans les coulisses. De nouveau le silence… Deux brancardiers traversent la scène portant notre “Frisou” mis à mal. Nous comprenons le lion qui n’a pas trouvé cette déplaisante carcasse à son goût. La pancarte reparaît.
« Tout fluet, tout menu, arrive un modeste Français. Il ne roule pas des épaules… mais il y va quand même. Pas de réaction de la part du lion. Silence total et profond. Puis, notre petit Français sort de la cage en finissant de ronger un gros os. Il est tout guilleret, sa mine réjouie exprime la satisfaction d’une faim dévorante pour un temps apaisée. Et la pancarte reparaît, modifiée : “On demande un lion”. C’est court mais, joué ici, ça ne manque pas de saveur.
« Pourtant, ce n’est pas fini. Le S. S. de ronde ce soir-là est Roumain. Ni meilleur ni pire que les autres mais, profitant de sa solitude, il veut une fois dans sa vie, entendre un couplet et un refrain de notre “Marseillaise”, chantée par des vrais de vrais, des purs. Inutile de dire que nous ne faisons pas la fine gueule. Nous obtempérons avec un enthousiasme, une ferveur qui nous réchauffent le cœur et nous remuent les tripes. Ce soir-là, ma paillasse de frisons est bourrée de laine et ma couverture est plus douillette qu’un édredon de plumes. »
Le réconfort moral et le « standing » des Français connaissent d’autres moments fastes avec les combats de boxe, dont l’idée germe dans l’esprit de plusieurs après ce qui se passe au Hall 3 et que rapporte Louis Morel :
« Un Vorarbeiter de notre block, sachant que Raymond Durban est boxeur, l’invite à venir au sous-sol faire un match avec lui. Après plusieurs demandes, Durban se décide en nous disant qu’il ne se laissera pas tabasser. Peu de temps après, nous le voyons revenir avec le sourire, car le Vorarbeiter a reçu une superbe correction. Avec lui et pour lui, nous sommes très heureux et, toute la journée, cette bonne blague est commentée en long, en large et en travers. Le lendemain, le Vorarbeiter propose la revanche. Durban le suit en confiance. Hélas, il remonte vite, le visage sérieusement marqué. Cette fois, c’est lui qui a reçu la correction, mais traîtreusement, car son adversaire a amené quelques matraqueurs de son espèce et notre camarade n’a rien pu faire contre cette meute en furie. »
L’organisation au grand jour de combats dans les « règles de l’art » renverse les données. Les Français ne sont pas les seuls à se réjouir de voir étalés à terre et vaincus ces Goliaths sanguinaires qui, d’ordinaire et de plein droit, conjuguent force et férocité pour terrasser les victimes de leur choix.
Roger Chonavel exulte de voir son brutal Hallenvorarbeiter du Hall 8 malmené par Marcel Parentin, mineur de fer de Bouligny et champion poids moyen d’Alsace-Lorraine :
« Les adversaires sont face à face. D’un côté, une masse de chairs molles s’élevant à 1,85 mètres au-dessus du ring, de l’autre, un petit maigrichon avec de beaux restes, le type parfait du mineur de fond.
« La brute attaque, un vrai moulin à vent, tous ses coups arrivent
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