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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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détenu allemand, petit, au visage et au regard sans expression, lui ordonne d’écarter les jambes et le fait asperger par un aide muni d’un pulvérisateur genre Fly-Tox. D’ordinaire, il se contente de surveiller, aujourd’hui il entend officier.
    « Prenant en main un rasoir-couteau, il l’examine minutieusement et le repose. Il en choisit un second qu’il regarde avec soin, puis l’abandonne pour reprendre le premier.
    « Anxieux et médusés, nous le voyons se pencher sur notre camarade qui a dû, entre-temps, s’allonger sur une civière.
    Il lui saisit la verge et la tire pour l’allonger. Notre camarade, n’appréciant pas, se relève ; une gifle magistrale le recouche et, les yeux exorbités, il voit l’Allemand continuer à tirer la peau de son sexe comme une chambre à air et s’en servir à la façon d’un cuir de coiffeur pour affûter son rasoir.
    « Après un nouvel examen de la lame, le chef paraît satisfait de son travail. Va-t-il procéder au rasage des poils du bas-ventre ? Non. Il reprend la verge de notre camarade, la rallonge, et la vise avec le tranchant du rasoir haut levé qu’il rabat comme un éclair. De la civière monte un cri et nous sommes pétrifiés, croyant à l’ablation !
    « Heureusement, rien de tel ne se produit. Ce sadique, un virtuose, a retourné tout simplement le rasoir pendant sa trajectoire. »
    Outre les cavalcades nocturnes des « désinfections », les routes cimentées de Heinkel résonnent matin et soir du pas cadencé des longues cohortes qui se rendent à l’appel. Le matin, le départ a lieu des blocks, le soir des halls. Beaucoup ont un long chemin à parcourir jusqu’au terre-plein central, où un peloton de S. S. casqués et armés fait face à la masse des déportés encadrés sur les côtés par d’autres S. S., chiens en laisse. Les chefs de blocks, les Vorarbeiter, rythment la marche à coup de gummi et à coups de gueule : «  Ein… Zwei… Drei… Vier  ! » Parfois, ils exigent un chant qui ne vient pas ou s’enfle alors comme un défi : le «  Moskva maïa » des Soviétiques, ou le «  Ah ! ce qu’on s’emmerde ici  » des Français. Ils ne s’occupent que de la cadence, pas des paroles !
    Guy Ducos, du block 3, un jour d’été 1943, marche avec peine vers la place d’appel : « Le corps filiforme ne paraît pouvoir rester vertical que grâce au lest des sabots de bois, comme la légendaire poupée soviétique Babouchka. C’est d’ailleurs ainsi que nous avançons, avec cette démarche curieusement cadencée et basée sur le poids des sabots, caractéristique de l’épuisement et du souci d’économie de l’effort, faite du balancement du squelette de gauche à droite accompagné du glissement simultané et bruyant du sabot vers l’avant…
    « Et puis, sur la place, j’aperçois soudain une toute petite chose inhabituelle que je vais pouvoir grossir volontairement, de façon démesurée, pour n’être plus imprégné que d’elle, pour chasser l’absurde, pour ne plus voir ni entendre pendant quelques minutes les coups pleuvoir, la veulerie et la haine s’assouvir, la dégradation de l’espèce humaine s’accomplir… Là, devant moi, sur le sol poussiéreux bouleversé par les bottes des geôliers, un magnifique scarabée doré, gros comme un pouce, avance avec peine sur la terre sèche et sablonneuse qu’il entraîne sous lui en faisant scintiller ses élytres cuivrés. Quel spectacle féerique ! Quelle perfection ! Est-il vraiment de notre monde ? Sommes-nous encore du sien ?
    « C’est alors que tout près, sur la droite, les vociférations d’un forcené éclatent… Coups de poing au foie, sur la face, encore au foie : le corps plie ! Manchette sur la nuque, coups de pied aux chevilles, aux tibias avec la tranche des semelles : le corps tombe ! Coups de pied dans le bas-ventre et de talon sur la tête tuméfiée : le corps est presque inerte. C’est un détenu qui, peut-être rêveur comme moi, vient de compromettre l’alignement du premier rang…
    « Le S. S. exécuteur, apparemment très satisfait de cet exercice matinal, tel un sportif après l’effort, rajuste sa vareuse et son ceinturon de cuir, brosse furtivement sa manche et replace ostensiblement son calot avec un manifeste souci d’élégance. Il arpente à nouveau l’allée, le menton un peu plus relevé, l’air encore plus martial, imbu de la supériorité de sa race qui ne peut être

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