Sachso
rappeler quand, près de lui, quelqu’un a tendance à flancher :
« Cette journée-là, le commandant du camp annonce tout fièrement sur la place d’appel que des marks seront distribués chaque fin de semaine aux détenus les plus “méritants” pour obtenir à la cantine des suppléments de nourriture et de tabac. »
Il s’agit pour les S. S. de pousser les spécialistes et les plus forts à des rendements plus élevés et de susciter jalousie et division entre les détenus. Mais, avec son camarade Martin du block 2 et bien d’autres, Antoine Sroka refuse le chantage et un système est mis au point qui désamorce la manœuvre : « Bien que distribués individuellement et signalés par un tableau d’affichage, tous les marks sont mis en commun, déposés globalement à la cantine pour l’achat de légers suppléments dont la répartition est faite entre tous les déportés, sans distinction d’origine ou de nationalité. »
Quand des lettres peuvent être adressées en France et que des colis sont reçus, des initiatives heureuses permettent également une autre forme de solidarité. Malgré les réticences de quelques-uns au début, une part des colis est distribuée aux Français qui ne reçoivent rien et aux étrangers. Le système fonctionne de façon satisfaisante tant que les paquets parviennent.
Le Lagerältester, les Vorarbeiter logent dans une pièce spéciale. Les détenus ne les voient que pour les appels, les corvées et dans les kommandos de travail. Un seul fait exception pour sa brutalité : Georges, dit « La mèche blanche ».
Au kommando 3, il prend plaisir à évacuer par la manière forte, les W.-C. qui sont ici comme ailleurs le dernier salon où l’on cause. Un après-midi de l’été 1943, c’est lui qui s’acharne sur André Amselle. Alors qu’il fait très chaud, il l’oblige à porter un seau de sable d’une main, une longue perche sur l’épaule et à marcher ou courir ainsi dans le sable brûlant pendant plus d’une heure.
Un autre jour, une fouille générale est effectuée dans tous les blocks à la suite, très probablement, d’une dénonciation. Les S. S. mettent la main sur des couvertures taillées pour en faire des vêtements civils. Des déportés de Reims qui comptaient les utiliser pour s’évader sont sauvagement frappés, laissés sans nourriture, puis expédiés à Sachsenhausen et personne à Kustrin n’en entendra plus parler.
La relative monotonie des jours est rompue un matin de l’été 1944. Le camp est réveillé par des coups de feu et des explosions. C’est la Wehrmacht qui manœuvre. Comment une grenade tombe-t-elle sur une pile de bois et y met-elle le feu ? Nul ne le sait. Ce qui est sûr, par contre, c’est que l’incendie prend aussitôt des proportions catastrophiques. Les pompiers se démènent autour du brasier. Toutes les personnes disponibles sont mobilisées pour déplacer des piles de bois afin de limiter les dégâts. Déportés, prisonniers de guerre russes et français, civils allemands et étrangers se mélangent dans une confusion extrême. À part les Allemands qui se pressent, la cadence de tous les autres est aussi lente que le permet la présence des S. S.
À la fin de la matinée, la pagaille est indescriptible et l’on apprend, par la suite, qu’un groupe de prisonniers de guerre russes en a profité pour prendre la clé des champs. Le feu n’est jugulé que dans le courant de l’après-midi. Debout sur un tas de bois, les bras levés, une jeune Allemande hurle sa joie en criant « Heil Hitler ! » Mais les dommages sont lourds.
Le 30 septembre 1944, un coup dur d’une autre sorte s’abat sur une quarantaine de Français et de Belges. Après le repas du soir, ils sont enfermés dans les lavabos. Norbert Ferraguti y passe la nuit avec ses camarades :
« Le lendemain, le train nous transporte de l’autre côté de l’Oder, à environ quarante kilomètres à l’ouest, dans un petit camp en lisière d’une forêt : Trebnitz.
« Nous travaillons dans les conditions les plus inhumaines, qui dans une carrière, qui à faire une route, qui à construire une prison, par un froid de -15° à -30°! Nombreux sont les nez, les oreilles et les orteils gelés.
« Tout marche à la trique, au travail comme au camp. Cette fois, nous sommes perdus dans la masse des étrangers. Nous restons groupés le plus possible pour survivre.
« Le Blockältester sélectionne chaque jour un
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