Sachso
tous les professeurs de l’université Jagellon – c’est le nom de l’université de Cracovie –, il est convoqué à une réunion. L’Obersturmbannführer Müller doit y préciser quelle sera « l’attitude des autorités allemandes à l’égard de l’université Jagellon » . En fait, c’est l’élimination de l’élite intellectuelle de Pologne qui a été décidée par les nazis et qui sera appliquée à Cracovie comme à Varsovie et dans tout le pays. Henri Bernard est arrêté au même titre que ses collègues enseignants polonais : « Je suis transporté avec les autres professeurs de l’université à la prison rue Montelupi, ensuite à la caserne rue Wrodawska puis, pour un séjour de deux semaines, à la prison de Breslau (Wroclaw) et finalement à Oranienburg-Sachsenhausen. Dès mon arrivée dans le camp, je suis giflé par un S. S. qui apprend par mon passeport que je suis français. »
Une chose est sûre en tout cas : de France, les premiers prisonniers des nazis à être dirigés en nombre vers Sachsenhausen sont des antifascistes allemands livrés à Hitler par Pétain. Il s’agit d’anciens des Brigades internationales qui se sont battus en Espagne contre Franco et ont été enfermés dès le printemps 1939 dans des camps d’internement spécialement créés pour eux par le gouvernement français de l’époque au pied des Pyrénées : à Argelès, Saint-Cyprien, Le Vernet, Gurs. Il s’agit aussi d’émigrés allemands qui se sont engagés dans la Légion étrangère.
À Paris, un jeune artiste peintre de 30 ans, Sigismond Gasiorowski, d’origine polonaise, est arrêté le 24 juin 1940 et déporté dès le 26 juin à Sachsenhausen, où il est immatriculé sous le numéro 26 277.
Au cours de l’hiver 1940-1941, des Français sont à leur tour acheminés de prison en prison jusqu’au camp. Ce sont des cas isolés sur lesquels les témoignages sont rares et les archives presque muettes. Toutefois, en date du 5 mars 1940 une pièce conservée au Centre de documentation de la Croix-Rouge à Arolsen signale la présence de trois Français dans un groupe de déportés de Sachsenhausen transférés à Dachau. Ce sont René Kropp (né le 27 septembre 1909 à Strasbourg), Roger Nicolas (né le 25 avril 1909 à Die) et Fredy Hecht (né le 25 septembre 1901 à Salzwedel, en Allemagne). Tous trois résidaient déjà outre-Rhin.
Le plus bas numéro connu attribué à un Français au camp de Sachsenhausen est le 37 222 d’Albert Flicker, de Bischwiller (Bas-Rhin). Ouvrier du textile antifasciste, il est emprisonné le 8 janvier 1941 comme « individu dangereux pour la sécurité du Reich » et arrive au camp le 1 er avril 1941.
Arrêté le 8 février 1941 à Puteaux pour la fabrication d’explosifs, Pierre Saint-Giron séjourne à la Santé puis dans les geôles de Hanovre, Trèves, Cologne, Berlin-Alexanderplatz, avant de franchir en juillet 1941 la porte de Sachsenhausen, où il reçoit le numéro 39 658.
Henry Felt, de Petite-Rosselle (Moselle), entre au camp le 7 novembre 1941 avec le numéro 40 011.
Il est suivi de près par Charles Lefranc, à qui est attribué le numéro 40 088. Arrêté à Paris au début de juillet 1941 pour espionnage, Charles Lefranc, après quelques jours à la Santé, est dirigé vers l’Allemagne. Il passe dans les prisons de Cologne et Trêves. Jugé, il est condamné à mort, mais la sentence est différée. Il est envoyé à Sachsenhausen, où il commence à faire quarante jours de marche disciplinaire pour avoir été combattant dans les Brigades internationales en Espagne.
En isolés également, trois gardiens de la paix parisiens sont immatriculés à Sachsenhausen au cours de l’hiver 1941-1942 :
François Cachot (n° 46 470), Maurice Pierre (n° 46 472) et Albert Priolet (n° 46 477).
Mais, dans l’histoire des camps, Sachsenhausen est celui où les nazis expédient le premier convoi important, le premier « transport » de Français déportés. Il est formé de 244 mineurs du Nord et du Pas-de-Calais arrêtés pour leur participation à la grande grève qui paralyse fin mai et début juin 1941 tout le bassin houiller. Ils arrivent au camp le 25 juillet 1941 et leurs matricules s’échelonnent entre 38 400 et 38 700. Leur histoire est révélatrice de la combativité et du patriotisme des « gueules noires ».
LES MINEURS DU NORD EN PREMIER
Le 26 mai 1941, la grève, pourtant interdite
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