Sachso
celui des entrées de l’année. Ce fait permet notamment de se rendre compte de l’importance des pertes et des « transports » de détenus qui quittent Sachsenhausen pour d’autres camps.
En 1943, c’est donc Kaindl qui réceptionne les grands convois qui arrivent alors de France. Malgré 20 000 entrées dans l’année, il ne justifie qu’un effectif de vingt-huit mille prisonniers au 31 décembre 1943. Une chambre à gaz fonctionne maintenant à la station Z : des convois y sont amenés directement et leurs victimes n’entrent naturellement pas dans les statistiques du camp.
En 1944, Kaindl doit accueillir avec moins d’empressement une commission d’enquête spéciale du R. S. H. A. (Service central de sécurité du Reich) dirigée par Cornely, lequel s’intéresse au trafic des S. S. qui se poursuit au kommando Loritz depuis le départ de ce dernier. Mais les S. S., avec l’aide de mouchards, détournent l’enquête vers les activités politiques clandestines des prisonniers allemands à « triangle rouge » . C’est l’opération Rote Kuhle (ration de pain « rouge ») qui entraîne une violente répression contre les dirigeants antifascistes parmi lesquels Heinz Bartsch et Ernst Schneller. Leur crime est d’avoir incité les détenus recevant un colis à abandonner leur ration de pain du jour au profit des Russes les plus démunis.
Pendant ce temps, les bombardements aériens, qui se font de plus en plus fréquents sur Berlin, atteignent aussi Oranienburg. Le 22 mars 1944, le camp est touché. Deux Français brûlés au block 16 par des bombes au phosphore sont maintenus quelque temps en vie par les médecins S. S., uniquement pour enregistrer leurs réactions avant la mort. Heinkel, Klinker, sont à leur tour bombardés et les morts sont plus nombreux.
Après le débarquement allié du 6 juin 1944 sur les côtes de Normandie, la fin prochaine de la guerre n’apparait plus comme un rêve. Les S. S. en sont conscients au fond d’eux-mêmes et redoublent de cruauté. La découverte d’un poste de radio dans un block de Sachsenhausen relance l’activité de la commission Cornély. En octobre 1944, pour leur activité résistante, vingt-sept détenus sont fusillés : vingt-quatre Allemands et trois Français.
Dans des dépendances de Sachsenhausen, le S. S. Skorzeny, chef des équipes de choc formées par les services secrets de Himmler, entraine ses hommes qui libéreront Mussolini, tombé en Italie aux mains des Alliés, et opéreront sur les arrières des troupes alliées dans les Ardennes durant l’hiver 1944-1945.
L’année 1945 débute avec l’arrivée de nombreux convois provenant des camps de l’Est évacués les uns après les autres devant l’avance des troupes soviétiques. Les voyages se font dans des conditions effroyables, dans des wagons à ciel ouvert. Il y a des centaines de morts gelés. Les éliminations s’accélèrent. Fin janvier, début février, quatre mille morts à la station Z. Le 2 février 1945, 178 détenus, dont 19 Luxembourgeois, 7 prisonniers de guerre anglais, 80 officiers prisonniers de guerre russes et un Français, sont fusillés.
Quand le front n’est plus qu’à quelques dizaines de kilomètres, les S. S. font brûler les archives du camp et, le 20 avril, trente mille hommes et femmes de Sachsenhausen sont jetés sur la route de l’exode. La « marche de la mort » fait neuf mille victimes. Le 22 avril, un détachement de soldats soviétiques et polonais libère les trois mille moribonds restés au camp.
Selon les statistiques qui ont pu être retrouvées dans les livres du camp sauvés de la destruction, 204 537 détenus sont entrés à Oranienburg-Sachsenhausen entre le 12 juillet 1936 et la mi-avril 1945 ; 100 167 d’entre eux, c’est-à-dire la moitié, y ont été exterminés d’une manière ou d’une autre.
CHAPITRE DEUX
CONVOIS DE FRANCE
Quel est le premier Français déporté à Sachsenhausen ? Est-ce Henri Bernard en décembre 1939 ? Est-ce un autre dont les archives disparues du camp ont emporté le nom à jamais ?
Henri Bernard, en septembre 1939, enseigne le français à l’École supérieure de commerce de Cracovie. L’invasion de la Pologne par les troupes allemandes le chasse le 4 septembre sur les routes. Après 400 kilomètres d’une marche aussi vaine qu’épuisante – il a cinquante ans – Henri Bernard revient à Cracovie le 1 er octobre. Le 6 novembre, avec
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