Sachso
par les Allemands, éclate comme un coup de tonnerre. Exploités durement au bénéfice de l’occupant, brimés, rationnés, les mineurs exigent un meilleur ravitaillement, un allégement des charges de travail. Mais nul ne s’y trompe, ni chez les mineurs ni chez les Allemands : ce mouvement n’est pas seulement revendicatif, il est aussi un acte de résistance.
La grève part du puits de Dourges (« Le Dahomey »), à Montigny-en-Gohelle, et gagne en quelques jours toute la région. Sur les berlines abandonnées des inscriptions voisinent : « Pas de ravitaillement, pas de charbon ! » « Pas de charbon pour les Allemands ! ». Les femmes soutiennent ardemment leurs maris. Elles sont plusieurs milliers à manifester le 4 juin à Bruay devant le siège de la compagnie minière.
Ce même 4 juin, est placardé sur les murs des cités ouvrières le jugement rendu la veille par le Tribunal de guerre de l’Oberfeldkommandantur 670 de Lille : « Les mineurs dont les noms suivent ont été condamnés chacun à cinq ans de travaux forcés pour avoir participé à la grève des mineurs et s’y être comportés en meneurs. » Ils sont onze. En plus, deux femmes sont condamnées à trois et deux ans de travaux forcés.
La répression ne donne pas le résultat escompté. Le préfet du Nord en convient dans un rapport du 7 juin qui sera publié après guerre dans les dossiers de la Commission allemande d’armistice (tome IV, pages 596 et 599). « Le 4 juin, écrit le préfet du Nord, les quatre cinquièmes de la région Nord-Pas-de-Calais étaient en grève. Le mouvement revêtait un caractère particulier du fait que les ouvriers, pris individuellement, se déclaraient prêts à travailler si leurs camarades reprenaient de leur côté le travail. De nombreux tracts communistes distribués un peu partout au cours de la nuit incitaient les travailleurs à la grève générale. Ces tracts, comme toujours, invoquaient aussi bien les difficultés de ravitaillement, l’insuffisance des salaires que la nécessité de se révolter contre le gouvernement de Vichy et l’esclavage allemand. »
À l’origine de ces tracts se trouve notamment Paul Dubois, un mineur de Carvin. Pas de preuves contre lui, mais des soupçons fondés sur son action passée de militant communiste et son activité dans la grève. Il est arrêté le 5 juin au matin et bien d’autres mineurs avec lui. À Valenciennes, dans la caserne Vincent transformée en prison, ils sont bientôt 276. Le 13 juin, des camions de la Wehrmacht les emmènent à la forteresse de Huy, en Belgique. C’est là qu’ils apprennent le 22 juin l’entrée des troupes hitlériennes en Union soviétique. Paul Dubois, avec ses camarades, est de nouveau interrogé à la mi-juillet : « Alors, le 20 juillet nous sommes tous rassemblés. À l’appel de leur nom, les uns doivent se mettre à droite, les autres à gauche. Le groupe de droite est de loin le plus nombreux : 270 hommes qui sont désignés pour l’Allemagne. J’en suis. Après trente-huit jours passés à Huy, nous quittons la forteresse le 22 juillet 1941. Un peu de nourriture nous est distribuée. Nous descendons à la gare. Tout de suite nous sommes enfermés dans des wagons à bestiaux soigneusement verrouillés. Le 25 juillet nous ne sommes plus que 244 lorsque le train stoppe en gare d’Oranienburg. Vingt-six de nos camarades sont morts en cours de route, abattus par les gardiens ou décédés par inanition et manque de soins dans les wagons clos.
« Des camions non bâchés attendent en haut d’un talus. Pour éviter la tuerie par les S. S., les plus forts aident les plus faibles à gravir la pente. On s’entasse sur les plates-formes.
« Bientôt les camions s’arrêtent, les portes arrière s’ouvrent, les bennes basculent, jetant pêle-mêle à terre leur chargement humain. Nous sommes au milieu de la place d’appel du camp de Sachsenhausen. »
Huit mois après la déportation des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, un second « transport » quitte la France pour, cette fois, le camp d’extermination d’Auschwitz. Il comprend 1 112 israélites, qui sont embarqués le 27 mars 1942 à la gare de Compiègne. Encadrés par les S. S., ils sont venus à pied de l’autre bout de la ville, du camp d’internement qui va servir désormais en France de dernier relais sur la route des camps de la mort. Le 6 juillet 1942 un second cortège traverse Compiègne : un
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