Sachso
cent. Des détenus en nombre très limité sont libérés sous divers motifs par les autorités du camp agissant sur ordre supérieur. D’autres, plus rares encore, réussissent à s’évader.
Nous l’avons déjà dit, à l’origine, les camps sont conçus comme un moyen de terreur de masse pour décourager toute velléité de résistance dans le peuple allemand. À part les dirigeants connus, les opposants ou supposés tels n’y font qu’un séjour qui doit les marquer toute leur vie. Fichés par la police, signataires d’un engagement à ne rien divulguer de ce qu’ils ont vu, ils sont effectivement perdus en majorité pour la lutte active antifasciste. Par la suite, lorsque les camps deviennent une entreprise de destruction systématique, les libérations sont tout à fait exceptionnelles.
Parmi les quelques Français de Sachsenhausen bénéficiaires d’une mesure de libération il y a d’abord Henri Felt. Arrêté le 7 mars 1941, interné à Sarrebruck, il est immatriculé au camp le 7 juillet 1941 sous le n° 40 011, peu de temps après les mineurs du Nord. Il est libéré le 20 avril 1943 à l’occasion de l’anniversaire de Hitler. Sur les vingt-trois mille détenus du camp ils sont vingt-trois dans son cas : un pour mille ! En réalité, il n’y en aura que vingt-deux. Quand le S. S. s’adresse au dernier, un Autrichien, en lui demandant d’où il est originaire et qu’il répond « Osterreich » (Autriche), il est ramené à son block à coups de pied. Parce qu’il n’a pas répondu « Ostmark » (Marche de l’Est), le nouveau nom hitlérien de l’Autriche, c’est qu’il n’a rien appris au camp et doit continuer à y être « rééduqué » !
Il y a encore Maurice Ruth, d’Anzin, arrêté avec les mineurs du Nord et qui, libéré le 22 septembre 1943, écrit avec beaucoup de précautions aux familles de quelques-uns de ses camarades comme Léon Fraysse avec qui il était au block 52.
Il y a surtout la vingtaine de résistants du « groupe des Tunisiens » qui, après deux mois à Sachsenhausen et la réouverture de leur dossier perdu en mer Méditerranée lors du transfert aérien Tunis-Naples, se retrouvent à Berlin, en juin 1943, comme civils astreints au travail obligatoire, une autre vingtaine de leurs camarades restant au camp de concentration.
Il y a enfin quelques cas qui relèvent de l’incroyable mélange de contradictions dans la bureaucratie allemande et S. S. D’un côté, par exemple, on libère de Sachsenhausen deux F. T. P. de Chatellerault qui sont rejugés et fusillés : René Gauthier en Allemagne, Fernand Marit en France. D’un autre côté on libère Maurice Barré, de Nantes, parce que le résistant en fuite, pour lequel il avait été pris en otage et déporté, a été lui-même arrêté.
C’est parce que Maurice Barré, atteint de scalartine et isolé au Revier, reste trois mois sans écrire, de mai à août 1943, que l’affaire se déclenche. Son camarade Marcel Naime, qui travaille avec lui au hall 5 de Heinkel, en suit les multiples rebondissements : « Un soir, à l’appel, au début de septembre 1943, Maurice Barré est convoqué à la Schreibstube et conduit chez le commandant, qui lui demande avec un air de reproche pourquoi il n’écrit plus à sa femme. Interloqué, Maurice Barré explique les raisons pour lesquelles il n’a pas eu pendant trois mois les formules imprimées qui nous permettaient de correspondre un dimanche sur deux. Le motif est reconnu valable par le commandant, qui fait alors état d’une lettre que lui avait adressée Madame Barré, inquiète du silence de son mari, et l’entretien prend fin sans autre développement.
« Par contre, en revenant à la Schreibstube de Heinkel avec Maurice Barré, l’interprète allemand qui l’a assisté chez le commandant le questionne sur les conditions de son arrestation. Maurice à nouveau s’explique. Il précise comment, avec son beau-frère qui travaille au hall 3, ils ont été pris en otages tous les deux parce que la Gestapo n’avait pas réussi à capturer un résistant de leur famille. Depuis, ce dernier a été arrêté et lui-même déporté on ne sait où.
« L’interprète-secrétaire est très intéressé. Il informe Maurice : “Vous êtes tous les deux dans le seul cas possible de libération légale. Viens me voir demain soir avec ton beau-frère, je vous ferai rédiger votre demande.” Notre camarade sollicite les
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