Sachso
se retrouvent en cellule au Bunker de Sachsenhausen, puis dans un convoi de personnalités gardées en otages à Flossenburg.
Abstraction faite des évasions d’avril 1945 sous les bombardements aériens, on ne connaît que deux Français de Sachsenhausen ayant réussi à s’évader et à rejoindre la France : Roger Espitalié, en juillet 1943, du camp-annexe de Lichterfelde ; Yves Le Vernoy, le 2 février 1944, du kommando de travail Fichtengrund, extérieur à Sachsenhausen. À plus d’un titre, d’ailleurs, leurs exploits se ressemblent. Tous deux sont de jeunes militaires aguerris, d’unités de choc comme Roger Espitalié ou de services spéciaux comme Yves Le Vernoy ; ils ne sont connus au camp que sous des noms d’emprunt : Lucien Vandart (n° 66 814) pour Roger Espitalié ; Alex Luntz (n° 63 205) pour Yves Le Vernoy ; ils parlent l’allemand et ont déjà l’expérience d’évasions ; enfin, ils brûlent du désir de reprendre l’action, ce qu’ils feront dès leur retour en France. Dans des conditions différentes, ils seront volontaires pour des missions dangereuses de sabotage et seront parachutés au printemps 1945 sur des objectifs en Allemagne. L’un et l’autre n’échapperont que de justesse une dernière fois aux nazis.
Affecté à Lichterfelde à la mi-43, Roger Espitalié utilise les marks sauvés des fouilles à se procurer au « marché » du camp un pull-over très fin et un béret bleu de la Kriegsmarine, qu’il transforme en casquette par l’adjonction d’une visière en carton entoilé. Il porte constamment sur lui ses deux acquisitions, cachées sous sa chemise. Mais un civil français entraperçu sur un chantier extérieur lui escroque son dernier argent sans fournir les vêtements et les souliers promis. Il reprend espoir après avoir été muté dans une petite équipe qui va travailler chaque jour dans un ancien collège transformé en entrepôt et en garage. Avec un autre Français, Roger Espitalié s’arrange pour devenir indispensable au sous-officier responsable du service-auto. Cela leur vaut quelques suppléments de nourriture et quelques libertés dans leur travail. Ainsi les recherches de Roger Espitalié aboutissent-elles un jour : « Sous le siège d’un véhicule à réparer, je découvre un pantalon de treillis bleu qui semble m’attendre et est à ma taille, de surcroît ! Vite, j’enlève mon pantalon rayé, j’enfile le treillis et me reculotte ; je noue aux chevilles les bas du treillis avec des bouts de ficelle afin qu’ils ne dépassent pas. Il ne manque plus qu’une pièce à mon équipement : une paire de chaussures… Un après-midi, comme l ’Oberfeldwebel semble bien disposé, je lui exprime mon désir d’obtenir une paire de chaussures afin de travailler plus facilement et surtout sans risque de rayer les carrosseries ou les intérieurs des voitures. Quel culot – mais parfois c’est payant ! » Roger Espitalié a satisfaction le lendemain. Bientôt, en juillet 1943, une corvée de charbon dans une cour isolée du collège lui fournit le prétexte tant attendu. Il est seul, il dispose d’un moment de battement. Il se met « en tenue » . Des caisses empilées lui permettent d’atteindre le haut du mur, d’où il saute dans la rue : « Ouf ! Était-ce la liberté ? Pas encore. Il me fallut bien des efforts et du temps pour traverser l’Allemagne et me retrouver un petit matin en gare de Pantin… Où es-tu, cheminot qui m’as aidé à retrouver le bon chemin pour rejoindre la sortie ? »
L’évasion d’Alex Luntz, le 2 février 1944, est plus mouvementée. Il convient d’ailleurs de préciser tout de suite que c’est une double évasion. Alex Luntz, en l’occurrence, n’est que le compagnon de fuite du Luxembourgeois Paul Mullet, un résistant arrêté dans son pays durant l’hiver 1941-1942, doué d’une très forte personnalité et qui a toujours refusé un avocat, afin d’assurer lui-même sa défense au cours d’une longue instruction clôturée par la Gestapo de Berlin.
Paul Muller, qui parle allemand mieux que bien des Allemands, et dont la force de caractère se double de la puissance de persuasion de riches et copieux colis de sa famille, entre rapidement au Revier après son immatriculation à Sachsenhausen. Il devient le secrétaire particulier du médecin-chef S. S. Baumkötter auprès duquel il prend quelque influence. C’est un Prominent, portant le pantalon rayé bien
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