Sachso
conseils et l’accord de ses amis ; la démarche est effectuée. Onze mois s’écoulent sans réponse. Et puis, le 18 juillet 1944, quand nous sommes parqués au hall 6 en instance de transport, Maurice Barré est appelé hors des rangs. Le chef de block lui lit un long document puis lui serre la main pendant que l’interprète commente : “Monsieur le chef de block vous félicite parce que vous êtes libéré !” Le lendemain, une voiture le conduit à Sachsenhausen, où on lui rend ses vêtements, ses affaires personnelles, son argent. Deux jours après, c’est au tour de son beau-frère. Mais les Allemands ne laissent pas les deux hommes retourner en France où les Alliés ont débarqué ; ils les affectent au travail obligatoire dans une usine des environs de Berlin avec d’autres civils. »
Les évasions des camps de concentration sont rares. Tout contribue à les rendre pratiquement impossibles, la surveillance et la topographie des lieux, la tenue rayée et la tête rasée des détenus, et par-dessus tout le délabrement physique humain qui empêche l’effort et ancre le doute même dans les esprits les mieux trempés. Pourtant, si méthodique et méticuleuse soit la garde des S. S., si paralysante soit la peur des représailles, rien n’empêche des détenus de Sachsenhausen de tenter l’aventure. Quelques-uns réussissent après avoir mis dans leur jeu le maximum d’atouts : récupération d’une bonne forme physique, connaissance de la langue allemande, argent et vêtements civils, papiers d’identité, filière et points de chute à l’extérieur.
Certains disparaissent pour ainsi dire anonymement, d’autres s’évadent d’une manière spectaculaire. Ce sont surtout des Allemands antifascistes en liaison avec l’opposition qui s’organise difficilement dans le Reich hitlérien, tel Rudi Wunderlich, bien connu des Français de Lichterfelde, dont Gérard Ferrand : « Le 10 juin 1944, Rudi Wunderlich s’échappe avec succès du kommando de travail Unter den Eichen. Le même jour, deux autres Allemands, Richard Schmeink et Willi Nowak, fuient du kommando Spinnstoffwerk Zehlendorf, extérieur à Lichterfelde, mais sont repris entre Oderin et Freidorf. Schmeink en réchappe, Nowak connaît une fin atroce. Au début du mois d’octobre 1944, il est ramené en camion de Sachsenhausen à Lichterfelde avec pour tout bagage une potence et un cercueil. Terriblement marqué par les brutalités de ses bourreaux, il fait preuve d’un courage admirable et d’une grande dignité. Il est pendu sous nos yeux à l’aide d’un treuil par strangulation. L’horrible mise en scène est dirigée de façon diabolique par le chef adjoint du camp de Sachsenhausen August Höhn. »
Quant à Richard Schmeink, s’il réussit à retrouver la liberté, il le doit en partie à Charles Dumont, un jeune F. T. P. du Lot :
« À Lichterfelde, Richard est mon Vorarbeiter, un très bon camarade avec qui je discute souvent. J’ai ainsi l’occasion de lui parler de mon métier de tailleur, ce qui semble l’intéresser. En effet, il me propose bientôt de lui confectionner un costume civil à partir de ceux que certains portent au camp mais que des découpes, des marques de peinture, rendent inutilisables pour tout autre qu’un détenu. Tous les soirs, au block, je coupe et je couds sans trop me faire voir des “verts”, toujours à l’affût d’un mouchardage. Les copains ne me posent pas de questions et m’entourent jour me faciliter le travail. Et, le 10 juin 1944, ôtant son “rayé”, Richard quittera son chantier avec “mon” costume. Je n’aurai de ses nouvelles qu’après la libération, heureux qu’il ait survécu à la lutte clandestine continuée au dehors. »
Une nuit de septembre 1944 a lieu la seule tentative d’évasion collective de Sachsenhausen par un souterrain creusé sous un mur d’enceinte. Elle est menée à partir d’un baraquement du Sonderlager A, extérieur au grand camp, par un groupe d’Anglais prisonniers de guerre ou agents secrets récidivistes de l’évasion. Sous la direction de l’officier d’aviation Harry Day, abattu le vendredi 13 octobre 1939 à sa première mission sur l’Allemagne au départ de Metz, cinq hommes débouchent au dehors. Ils sont tous repris : Harry Day et Sidney Dowse le lendemain dans la banlieue sud de Berlin ; Jack Churchill et James fin octobre près de la Baltique ; Dodge début novembre loin à l’ouest. Ils
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