Sachso
marche, pour être exécutés.
« Il nous fut impossible d’apprendre le nombre exact des tués. Sur notre parcours, nous avons vu au total plusieurs centaines de morts, mais nous n’avions pas un aperçu complet sur tout le territoire d’évacuation, car, venant du nord, une assez grande colonne de camions de Lübeek approvisionnait également les détenus. Je déduis des nombreux entretiens avec des détenus qu’environ quinze à vingt pour cent de l’effectif du camp de concentration d’Oranienburg a été tué de la manière décrite plus haut…
« Il résulte de nombreux entretiens que j’ai eus avec des Gruppen-kommandanten, Unterführer et également avec le personnel de garde, que les sentiments qui animent les S. S. sont d’une perversité effrayante. Quelques-uns des commandants voulaient même nous prouver qu’ils rendaient un service aux exténués et aux malades en les fusillant pour qu’ils n’aient plus à souffrir ; ils étaient d’avis que la S. S. était en réalité très humaine ou même plus humaine que la Croix-Rouge qui, elle, prolongeait les peines des malades et des exténués par l’apport de colis de vivres ! Le seul langage que ces S. S. primitifs comprenaient au moment de l’approche de l’ennemi, c’étaient les menaces. Il ressort de tous les témoignages que tous les S. S. étaient d’avis qu’ils faisaient une œuvre tout à fait justifiée en fusillant les détenus. Pour la sauvegarde du III° Reich, il était quasi naturel de tuer les juifs et les ennemis de l’État par tous les moyens. J’ai été témoin à Neuruppin de la légèreté avec laquelle ces brutes pouvaient tuer des êtres humains : nous avions trouvé, près d’un buisson au bord de la route, un détenu politique qui, depuis des heures, était allongé là et souffrait, gravement blessé à la tête par une balle. Le commandant S. S. avec qui j’étais en train de m’entretenir interrompit la conversation, se rendit vers le détenu blessé, le fusilla, revint aussitôt et continua la conversation comme si rien ne s’était passé.
« Il semblait également tout à fait justifié aux yeux des S. S. d’utiliser la force des détenus jusqu’à l’extrême. Pendant l’évacuation même, la force de quelques détenus fut exploitée sans pitié. Les S. S. chargeaient leurs effets sur de grandes remorques de camions qu’ils faisaient pousser par environ quarante détenus exténués. On faisait avancer ces esclaves “pousseurs de wagons” à coups de bâton et de fouet… »
Un autre délégué à Berlin du Comité international de la Croix-Rouge, M. Pfister, précise dans son rapport sur le ravitaillement des évacués d’Oranienburg : « Par hasard, nous rencontrâmes à Naven le 21 avril 1945 deux camions du C. I. C. R. auxquels nous ordonnâmes d’aller à Wagenitz. À ce moment, nous avions à Wagenitz à peu près trois mille colis de secours américains et cinq mille paquets du War Refugee Board. Entre-temps, un mécanicien de la délégation à Berlin arriva à Wagenitz et nous informa que le camp de concentration d’Oranienburg était en voie d’évacuation depuis quatre heures du matin. Je fis rentrer à Altengrabow (où se trouvait un camp de prisonniers de guerre) le camion de la Croix-Rouge française venu à Wagenitz avec mille colis et gardai les deux camions de la Croix-Rouge que nous avions rencontrés pour l’approvisionnement des colonnes du camp de concentration d’Oranienburg.
« Trois délégués du C. I. C. R. surveillaient la distribution aux détenus ; ils m’informèrent de l’itinéraire exact de la colonne dont le but était Wittstock. Deux routes s’offraient, l’une par Lowenberg-Lindow et l’autre par Kremmen-Neuruppin-Zechlin. Les jours suivants, les cinq mille paquets du War Refugee Board et à peu près mille colis américains furent distribués aux détenus par le personnel de la délégation du Comité international.
« Entre le 29 avril et le 2 mai, à peu près quinze camions du C. I. C. R. partaient de Lübeck chargés de colis de secours pour Wittstock et Below, près de Wittstock, où les détenus se reposaient pendant quelques jours. Comme les détenus, entre-temps, s’étaient de nouveau mis en route, le chef de la colonne du C. I. C. R. dirigea les camions sur les différentes routes qu’ils suivaient ; de cette manière, la sécurité et le ravitaillement des détenus furent assurés pour le
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