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Sachso

Sachso

Titel: Sachso Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Amicale D'Oranienburg-Sachsenhausen
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cent. L’écorce des arbres est arrachée et, en grattant le tronc, nous nous procurons un peu de pâte de bois, farine supplémentaire, que nous mélangeons à nos neuf cuillerées pour allonger un peu la bouillie.
    « Dans le bois, je rencontre Georges Roux et Roger Guédon, qui ont quitté Heinkel au début d’avril pour le grand camp. Ils ont terriblement changé, surtout Guédon. Je n’en laisse rien paraître. Au fond, si j’avais une glace, je ne me reconnaîtrais peut-être pas non plus.
    « Nous allons puiser de l’eau dans une grande mare, à la lisière du bois. Pour y accéder, nous suivons un sentier jalonné de gardes. Le long de ce sentier, plus une feuille ; tout est mangé et, dans la mare, on arrache aussi des plantes d’eau dont on mange la racine blanche et tendre. Il faut faire environ cinq cents mètres avec deux gamelles d’eau, et celui d’entre nous qui est désigné pour cette corvée en revient exténué.
    « Notre groupe étant installé près de la route mal pavée, nous y voyons apparaître une colonne de femmes de Sachsenhausen. Une Polonaise de la route et un Polonais du bois, mari et femme, se reconnaissent et veulent aller l’un vers l’autre. Ils ne peuvent même pas s’embrasser, les S. S. ne font pas de sentiments… »
    Au comble de l’horreur, un événement apporte quand même une lueur d’espoir. Des camions de la Croix-Rouge sont signalés et des colis distribués : un pour quatre ou cinq détenus au commencement, y compris les détenus russes, que certains convoyeurs voulaient d’abord exclure sous prétexte que l’U. R. S. S. n’adhérait pas à l’organisation internationale de Genève. De plus, chacun prend conscience que la présence de déportés dans ces bois est désormais connue d’observateurs neutres qui ont sans doute alerté les Alliés et dont les rapports éviteront peut-être le massacre général redouté.
    Depuis plusieurs jours, il était question de cette providentielle Croix-Rouge. Louis Péarron, dont la colonne marchait à l’arrière-garde, avait remarqué à certains endroits les emballages vides des fameux colis, mais dans les bois de Wittstock il en a la confirmation : « Nous arrivons dans les derniers à la forêt où toutes les colonnes parties avant nous sont déjà installées. Il tombe une pluie glacée. Nous cherchons à nous protéger du froid, au pied d’un grand hêtre, où nous nous allongeons la tête appuyée au tronc. Nous sommes sept en deux groupes. Nous mettons deux couvertures pour servir de toit et la troisième pour nous couvrir, les trois de mon groupe collés l’un contre l’autre pour se réchauffer. On doit être le 29 avril et je crois que c’est ce soir-là et l’après-midi du 30 que des camions blancs de la Croix-Rouge suédoise apportent des caisses de colis. Quelle nouvelle pour ces hommes de plus en plus affamés qui sont là, qui meurent partout sans plainte, sans secours, sauf pour quelques-uns, et au milieu de scènes terribles, puisqu’il y a des cas d’anthropophagie ! Avec deux de mes camarades, nous avons essayé de manger des feuilles de hêtre. Malgré notre grande faim nous les trouvons terriblement mauvaises… Quand nous les mastiquons, nous avons l’impression que nos dents s’allongent…
    « Aussi revivons-nous en apprenant l’arrivée de la Croix-Rouge. À ce moment-là quatre caisses de colis sont distribuées par colonne, mais il y a des scènes de carnage… Il est terrible de constater combien l’homme a tendance à redevenir sauvage, avec tous ses mauvais instincts !
    « Les quatre porteurs de caisses, s’ils ne sont pas de taille ou de force à se défendre, sont attaqués par des affamés avant de rejoindre leur colonne. Comme nous sommes les derniers à servir, le délégué, à la vue de cette triste situation, envoie chercher des hommes encore valides pour nous apporter notre lot. Il est pénible de relater que nous sommes alors obligés de leur ouvrir le passage à coups de bâton, car la tactique des assaillants est de les faire tomber ou de les culbuter, de défoncer les caisses et, en vingt secondes, de disparaître dans la forêt avec les vivres.
    « Distribués et répartis, ces colis n’offrent à chacun qu’une ration très minime mais néanmoins bienfaisante, trop tard hélas pour certains. Sous le hêtre où je suis adossé avec mes deux camarades, trois des quatre autres Français qui sont nos voisins n’ont plus de forces. C’est

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