Sachso
autres les colonnes des bois de Below et de Wittstock, chacun comprend que cette fois le dénouement est proche.
Le bruit de la bataille roule dans les lointains. À l’offensive soviétique déferlant de l’est et du sud-est répond l’offensive américaine venant de l’ouest et du nord-ouest. Les nazis sont pris dans une nasse. Les routes sont de plus en plus encombrées de réfugiés civils. Les raids aériens se multiplient sans jamais mitrailler les colonnes de détenus ni même les réfugiés allemands.
Parmi les premiers à partir le dimanche 29 avril, vers neuf heures du matin, vingt-sept déportés luxembourgeois se serrent les coudes, comme ils ne cessent de le faire depuis Sachsenhausen. Les Français les connaissent bien, car la communauté de langue et de sentiments a facilité les contacts au camp. De leur formation militaire, ils gardent un souci aigu de l’organisation et de précision dans la notation des détails. Ils vont être les premiers à atteindre Schwerin, qui devient le lieu de ralliement de la plupart des rescapés. C’est pourquoi leur journal de marche est si précieux, ne serait-ce que par l’indication au jour le jour du temps qu’il fait et du kilométrage parcouru.
Jusqu’à l’arrêt dans le bois de Below, on y relève :
« Samedi 21 avril, départ du camp à 16 heures, arrêt à 19 h 30 et couchage près d’Hohenbruck après 8 kilomètres ; nuit froide, rosée ;
« Dimanche 22 : réveil à 4 h 30, départ à 5 heures ; traversée de Lowenburg, Herzogenburg, Neuruppin ; pluie sans interruption –, couchage à 22 h 30 dans un bois après Neuruppin ; environ 30 km accomplis.
« Lundi 23 : réveil à 6 h 30, départ à 7 heures, temps brouillé, 35 km de trajet par Katerbow, Ragelin, Rossow, jusqu’aux environs d’Hersprung ; arrêt à 18 heures et couchage.
« Mardi 24 : réveil et départ immédiat à 7 h 30 ; il ne pleut pas, temps humide et froid ; 11 km seulement parcourus ; arrêt à 16 heures à la ferme Liebenthal, dans la commune de Pappenbruch et couchage sur place.
« Mercredi 25 : toujours humide et froid ; sur place toute la journée ; à 18 heures, six pommes de terre en robe des champs ; départ à 20 heures, marche de nuit, traversée de Wittstock, Eichenfeld ; arrivée à une heure du matin dans le bois de Below.
« Jeudi 26 : temps froid et pluvieux dans le bois de Below.
« Vendredi 27 : toujours froid et humide dans le bois de Below.
« Samedi 28 : pluie et repluie sur le bois de Below ; arrivée à midi de camions de la Croix-Rouge. »
Et maintenant, voici la marche reprise :
« Dimanche 29 avril : départ du bois de Below à 9 heures ; il ne pleut pas, froid et venteux ; traversée de Freyenstein ; arrêt vers 16 heures et couchage dans un bois, près de Stepenitz ; 20 km faits.
« Lundi 30 avril : départ à 7 heures ; temps froid, pluvieux et venteux ; traversée de Redlin, Pankow, après 15 km, arrêt et couchage dans une forêt de sapins, près de Siggelkow ; violentes pluies au cours de la nuit.
« Mardi 1 er mai : départ à 7 heures ; temps froid, venteux, la grêle succède à la pluie ; traversée de Parchim et de Liest ; attaque aérienne à 13 heures de colonnes militaires ; à 17 heures, arrêt après 23 km dans un bois de sapins près de Neuruthenbeck.
« Mercredi 2 mai : départ à 6 h 30 ; traversée de Crivitz et Pinnow… »
Mais ce jour-là, 2 mai 1945, les déportés luxembourgeois notent d’autre part :
« Soudain, vers 13 h 45, peu avant le lac de Schwerin, sur un tronçon de route droite, nous apercevons le premier tank américain. Les S. S. nous poussent en dehors de la route, dans des prairies à notre droite, quelque peu ondulées.
« Des coups de feu sifflent au-dessus de nos têtes, nous allons aussitôt sous des arbres. Les S. S. vident leurs armes sur des détenus sans défense. Une petite minute avant la libération tant attendue, il y a encore des morts et des blessés. Puis nos bourreaux disparaissent dans la forêt. Beaucoup d’entre eux portent sous l’uniforme S. S. des vêtements de détenus et se font libérer par les Américains comme s’ils étaient des concentrationnaires, à l’exception de quelques-uns qui sont reconnus.
« Sur la route vers Schwerin se trouve un camp de prisonniers de guerre français. Une partie de nos camarades se joignent à ces Français, les autres continuent.
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