Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Sämtliche Werke

Titel: Sämtliche Werke Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Heinrich Heine
Vom Netzwerk:
du quartier des écoles. Ces grisettes citoyennes étaient très jolies et aussi vertueuses que permet de l’être le climat du pays latin; toutes sans exception étaient des républicaines enragées: on dit qu’elles changent souvent leurs amants, mais jamais leurs opinions. J’étais bien tombé, car ce jour-là le père Lahire, le directeur de l’établissement, pour ainsi dire le garde champêtre de cette grande Chaumière, était b…….. colère, comme on disait au temps du Père Duchesne. Cet individu d’une force athlétique, et rageur par nature, m’amusa beaucoup par la brutalité naïve avec laquelle il surveillait la décence de son public. Une pauvre petite, dont le fichu s’était un peu dérangé dans la ferveur d’une contredanse, se sauva toute tremblante, à son seul regard menaçant. Il chassa honteusement une autre petite citoyenne, qu’il trouvait égalemen trop décolletée. Ce monstre ignorait qu’à Sparte les jeunes filles dansaient nues avec les jeunes gars lacédémoniens, sans que jamais la chasteté ait couru grand risque dans la ville de Lycurgue. C’est que la pudeur d’une femme est un rempart pour sa vertu, plus sûr que toutes les robes du monde, quelque peu échancrées qu’elles soient au-dessus de la gorge. Le père Lahire est la terreur en personne pour les danseurs qui outrepassent les bornes d’un cancan honnête. Il empoigna deux néo-Robespierre par leurs collets, et tenant avec ses longues mains chacun d’eux suspendu au-dessus du sol, comme jadis Hercule fit avec Antée, il les porta ainsi jusqu’au delà de la porte; il jeta après eux un petit Saint-Just, qui avait marronné à la vue de cet acte de tyrannie. Celui-ci se releva, décrotta sa redingote, redressa sa haute cravate, et protesta contre cette violation des droits de l’homme, en nommant le père Lahire un Polignac. L’orchestre jouait dans ce moment la Marseillaise.
    Je dus à cet incident la connaissance d’une jeune personne qui se trouvait à côté de moi, et que je protégeais contre la foule curieuse. Elle était très mignonne, sa bouche était en cœur, ses yeux noirs étaient presque trop grands, et il y avait quelque chose de mutin dans la coupe de son nez retroussé, dont les narines finement ciselées se gonflaient de plaisir à chaque fanfare de la musique. On l’appelait mademoiselle Joséphine, ou Joséphine et même Fifine tout court. Lorsqu’elle apprit que j’étais Allemand, elle fut très contente, et me pria de lui faire cadeau d’une peau d’ours, car depuis des années, disait-elle, elle désirait posséder une peau d’ours pour en faire une descente de lit; que c’était son rêve! Elle me croyait plus septentrional que je ne l’étais, et probablement ces dames s’imaginent que dans mon pays on n’a qu’à étendre la main pour saisir un ours au collet et faire bonne prise de sa peau. Elle était si insouciante, son sourire était si caressant, son petit parler était si doux, son gazouillement résonnait si délicieusement dans mon cœur, que j’aurais très volontiers, quelque bon patriote que je sois, sacrifié les peaux de tous les ours d’Allemagne pour plaire à cette enchanteresse française. Je notai tout de suite sa demande sur mon carnet, et en prenant son adresse je lui promis qu’elle me verrait bientôt arriver chez elle avec ma peau d’ours allemande. En attendant je la priai de me faire l’honneur d’accepter de moi un fruit plus méridional, c’est-à-dire une orange. Elle accepta sans cérémonie, en disant qu’après les pieds de cochon à la Sainte-Menehould, ce qu’elle aimait le plus, c’étaient les oranges. »Mais pour ceux-là, les pieds de cochon, ajouta-t-elle, je les adore, je les idolâtre, et pour ce plat je ferais des bassesses.« Pendant que mademoiselle Joséphine mangeait et savourait son orange, ou pour employer sa propre locution, pendant qu’elle s’identifiait avec elle, je tâchai de l’entretenir d’une manière aussi agréable qu’instructive. A propos des peaux d’ours je lui parlai zoologie, j’abordai même la question la plus scabreuse de l’anatomie comparée, le question de la queue, à savoir si l’homme primitif a été doué d’une queue comme les singes, et si la race humaine a plus tard perdu cet ornement antédiluvien par quelque maladie plus ou moins honorable. Mademoiselle Joséphine fut émerveillée de ma grande érudition, et à plusieurs reprises elle me dit: »Monsieur, vous

Weitere Kostenlose Bücher