Sang Royal
ne plus s’opposer à ce que tu fréquentes Tamasin. » Je secouai la tête. « C’est une drôle de femme. Il est évident qu’elle est extrêmement angoissée.
— Est-ce qu’elle vous a expliqué où se trouve Tamasin ?
— Tamasin a prétendu qu’elle était souffrante et qu’elle préférait garder la chambre. Sans doute pour rester à l’écart. » Je regardai la porte fermée de l’église. « Si on apprend ce que tu as vu cette nuit, Jennet Marlin se trouvera dans une situation difficile. Lady Rochford est sa patronne et Tamasin, sa servante.
— Ce ne serait rien, en comparaison de celle dans laquelle on se trouverait, vous et moi. »
J’opinai du chef. « Allons chez messire Wrenne ! Sortons de ce maudit endroit ! »
L’œil au guet, nous longeâmes les pavillons vides, devant lesquels des soldats montaient la garde, en direction de la porte de l’enceinte.
23.
COMME NOUS PASSIONS DEVANT LA FAÇADE DU MANOIR DU ROI, j’aperçus, vêtu d’une robe grise doublée de fourrure et portant une lourde chaîne d’or autour du cou, un homme qui descendait les marches du perron en compagnie d’un petit groupe de clercs. Il s’agissait de sir Richard Rich. Nos regards se croisèrent. J’eus un coup au cœur lorsqu’il renvoya les clercs et se dirigea vers moi d’un pas leste. Je lui fis une profonde révérence.
« Messire Shardlake ! lança-t-il, un sourire glacial sur les lèvres. Accompagné du jeune Barak, une fois de plus. Il est désormais votre commis ?
— En effet, sir Richard. »
Rich considéra Barak d’un air amusé. « Est-il suffisamment instruit ? » Il lissa sa robe de ses mains fines et sourit à nouveau. « Je viens de passer un moment avec le roi, déclara-t-il d’un ton enjoué. Quand les conjurés du printemps ont été convaincus de félonie, leurs terres ont été confiées à ma juridiction. On a discuté de la meilleure façon d’en disposer.
— Certes, sir Richard.
— Le roi sera généreux envers ses sujets du Yorkshire qui ont été loyaux. Même si, vu la menace permanente d’une invasion étrangère, Sa Majesté a besoin que ses terres rapportent le plus possible… Ce qui m’amène à l’autre sujet, poursuivit-il en esquissant un mince sourire. Avez-vous informé le Conseil municipal de Londres de ce que je vous ai dit à propos du dossier Bealknap ? »
Je pris une profonde inspiration. « À savoir que vous pensez qu’on a choisi le juge idoine ? Je leur ai signalé que ceux qui au début de la partie affirment posséder un bon jeu cherchent en général à tromper leurs adversaires. » Je mentais car, bien que j’en aie eu l’intention, je n’avais pas encore écrit à Londres. Comment Rich allait-il réagir ? Parler sur ce ton au chancelier des Augmentations serait normalement considéré comme de l’insolence, mais en l’occurrence il s’agissait d’une discussion d’avocat à avocat. Rich me dévisagea d’un air gêné. Ses yeux s’étrécirent et je compris que j’avais deviné juste : il n’avait pas encore de juge.
« Venez par ici ! » me lança-t-il d’un ton sec.
Il me saisit par le bras et m’amena à l’écart afin que Barak ne puisse entendre ses propos. Il planta alors sur moi un regard dur. « Vous savez que je traite avec sir William Maleverer, votre maître ici. » La colère tendait les traits de son mince visage. « Il désire acquérir de nouveaux terrains dans la région et les Augmentations ont des terres à vendre. N’oubliez pas, mon cher confrère Shardlake, que sir William est extrêmement puissant ici et que vous êtes seul avec votre rustre de valet. Et peu apprécié du roi, à ce qu’il paraît. Agissez avec prudence… » Il se tut quelques instants pour souligner ses propos. « Et n’envoyez pas à Londres cette lettre concernant le dossier Bealknap… Je sais que vous ne l’avez pas encore expédiée. » Mon air surpris le fit éclater de rire. « Croyez-vous, monsieur, que le courrier envoyé par les participants au voyage n’est pas surveillé, après les troubles politiques qui se sont produits ici ? » Il fixa sur moi ses froids yeux gris. « Retenez bien ce que je vous ai dit et ne vous jouez pas de moi ! » Pivotant sur ses talons, il s’éloigna d’un pas vif et sonore.
Barak me rejoignit. « Qu’est-ce qu’il voulait ? »
Je lui répétai les paroles de Rich. « Il brandit toujours des menaces. Il l’a déjà fait l’année
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