Sang Royal

apparut. Il fronça les sourcils en direction des Dalesmen et s’approcha de nous.
    « Puis-je faire quelque chose pour vous, messieurs ? » demanda-t-il à voix basse.
    J’échangeai un regard avec Barak. On ne vendait donc pas que de l’ale dans cet établissement…
    « Ça dépend, répondit Barak. Que proposez-vous ? »
    L’homme indiqua la porte d’un signe de tête, et nous fumes plutôt soulagés de sortir de la salle et de le suivre dans un étroit couloir qui empestait la bière éventée. Une bougie brûlait sur l’escalier. Il referma la porte.
    « Je regrette ce qui s’est passé, messieurs. Les Sudistes ne sont pas aimés par ici.
    — Peu importe, dis-je. Bien. Que pouvez-vous faire pour nous ?
    — Ça dépend de ce que vous voulez, répliqua-t-il, les yeux plissés, un regard calculateur fixé sur nous.
    — Un de mes amis est venu ici, il y a environ une semaine… L’un des agents officiels du voyage. Un type bien en chair portant une frange de cheveux blonds.
    — Ah oui ! » Ses traits se détendirent et son air devint égrillard. « Je m’en souviens fort bien. Il vous a dit ce qu’on offrait ici, pas vrai ?
    — Exactement.
    — Eh bien ! » Il nous fit un sourire complice. « À vous de m’indiquer vos goûts… Petits coups de poignard acéré infligés par une donzelle ou volée de coups de ceinturon flanqués par une vieille charogne, comme les aime votre ami ? » Il afficha de nouveau un air grivois. « Je peux m’arranger pour assouvir les désirs les plus cochons. »
    J’étais sidéré. En venant ici, je n’avais absolument pas envisagé cette hypothèse. « Vous proposez des filles qui fournissent des plaisirs spéciaux, c’est ça ? »
    Il opina vigoureusement du chef. « Des plaisirs que n’offrent pas les maisons ordinaires. Des garçons aussi, si vous préférez. On a un bon réseau à York, qui remonte à l’époque des moines. Certains d’entre eux étaient très vicieux.
    — Voici de quoi il retourne, s’empressa de dire Barak. Nous prospectons pour l’un des hauts dignitaires de Sainte-Marie qui ne tient pas à être vu ici. Il me semble que vous avez ce qu’il recherche. Nous allons lui parler et nous reviendrons. Il ne souhaiterait pas être vu ici. Peut-être possédez-vous un cabinet privé ?
    — Oui, m’sieu. Ça peut se faire.
    — Entre-temps, voici deux shillings pour votre peine », dit Barak en lui tendant les pièces. L’homme les contempla.
    « Il paiera bien, par conséquent, ce grand personnage ?
    — Une belle somme. »
    Les yeux du maquereau s’étrécirent. « Comment est-ce qu’il s’appelle, m’sieu ?
    — Allons donc ! Quelle question ! Attendez simplement notre retour.
    — Venez le matin, avant l’ouverture. Comme ça vous serez pas gênés par les clients.
    — D’accord. À propos, la maison possède-t-elle une porte de derrière ? »
    Il opina de la tête et nous conduisit à une issue donnant sur la venelle nauséabonde. Nous nous éloignâmes d’un pas vif et ne nous détendîmes qu’une fois atteint Fossgate. Barak partit alors d’un rire sonore.
    « C’était donc ça ! Ce vieux barbon pompeux de Craike aime se faire rosser par quelque vieille catin. À votre avis, est-ce qu’il pense à ça tout en remuant ses papiers sur sa petite écritoire ?
    — Tu as habilement manœuvré. On dirait que tu as l’habitude de ce genre de situations. »
    Il haussa les épaules. « Lord Cromwell avait des intermédiaires en contact avec les proxénètes de Londres, notamment ce genre d’entremetteurs qui fournissent les clients ayant des goûts hors du commun. Ils révélaient souvent le nom de courtisans, qui se retrouvaient alors à la merci de mon maître.
    — Du chantage ?
    — Si vous voulez.
    — Et tu y as participé ?
    — Oui. J’étais l’intermédiaire de lord Cromwell auprès de certains maquereaux. » Il se tourna vers moi, les sourcils froncés. « Vous ne croyez tout de même pas que j’étais un simple garçon de courses… Ça ne me plaisait guère, vous savez. » Il haussa de nouveau les épaules. « Mais lorsque des hommes de qualité décident de se vautrer dans la fange, ils savent qu’ils courent des risques.
    — En effet, s’ils sont surveillés par des espions. » Je claquai des doigts. « Je parie que c’est la raison pour laquelle Craike s’était lié avec Oldroyd. Pour savoir s’il existait de tels endroits à York.
    — Il