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Sang Royal

Sang Royal

Titel: Sang Royal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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d’une si nombreuse maisonnée, lui dis-je, mais j’avais promis au vieux messire Wrenne qu’il pourrait demeurer ici jusqu’à ce que sa santé lui permette de s’occuper d’une affaire de famille. Et Barak s’est blessé à la cheville. Où sont-ils, d’ailleurs ?
    — Ils sont sortis de bonne heure, siffla-t-elle. Maître Jack a dit qu’il avait une affaire privée à régler et Tamasin devait se rendre à Whitehall pour voir si elle avait toujours sa place. Il y a des ennuis dans la maison de la reine.
    — À ce qu’on dit », répondis-je d’un ton neutre. La maison de la reine allait être dissoute et Tamasin risquait de perdre son emploi.
    Joan se tut quelques instants avant de reprendre : « Je n’ai rien contre messire Wrenne, monsieur. Le pauvre vieux monsieur est malade, mais cette donzelle… Ce n’est pas correct qu’elle habite ici avec Jack. Et elle se prend pas pour rien, avec ses toilettes de dame… Elle a beau dire qu’elle veut juste aider à soigner le vieux monsieur, m’est avis qu’elle aime dîner à la table d’un homme de qualité.
    — Elle va bientôt repartir, Joan, dis-je d’un ton las. On a tous les quatre besoin de quelques jours de repos.
    — Elle n’a aucune morale. Ils croient que je l’entends pas filer dans la chambre de maître Jack en pleine nuit !
    — D’accord, Joan… Je suis trop fatigué pour m’occuper de ces histoires pour le moment. »
    Elle fit une révérence et sortit.
    Je mangeai de bon appétit. Après le petit déjeuner, j’arpentai la pièce tout en songeant à Maleverer, au sergent Leacon, à Broderick, suspendu au plafond de son cachot à bord du bateau. Et à Tamasin. Barak avait sans doute rendez-vous avec son ami ce jour-là… Alors qu’allait-il découvrir sur le père de la jeune femme ? Puis je pensai à Martin Dakin, et faillis me rendre à Lincoln’s Inn, mais j’étais trop las pour affronter l’épreuve : revoir des connaissances, des avocats curieux qui avaient pu entendre parler de la mésaventure de Fulford. Cela pourrait attendre au lendemain, lorsque, avec un peu de chance, je serais débarrassé de la menotte. Peut-être Bealknap serait-il là. Cette fripouille avait-elle eu vent du traitement qu’on m’avait infligé pour que le procès lui soit épargné ?
    Décidé à me rendre dans l’ancien verger, j’enfilai mes bottes et traversai le jardin. Tout était détrempé et, près du mur du fond, à côté de la grille s’ouvrant dans le verger, le sol était devenu un vrai marécage. Je déverrouillai la grille et sortis.
    La pommeraie devait exister depuis des siècles. Les arbres étaient très vieux et noueux. Les murs du verger longeaient Chancery Lane d’un côté, le domaine de Lincoln’s Inn sur deux autres, et le quatrième bordait mon jardin. Le terrain s’étendait en pente douce vers mon mur. Comme me l’avait annoncé Barak, le verger, parsemé de fondrières remplies d’eau là où les racines avaient été arrachées était devenu une mer de boue. Sans les arbres pour absorber une partie de la pluie, une masse liquide aussi haute qu’un appentis faisait pression contre le mur. Je poussai un juron, inquiet de l’inondation inéluctable de mon jardin s’il se remettait à pleuvoir. Je décidai d’aller, dès le lendemain, rendre visite à l’intendant de Lincoln’s Inn.
    Bouleversé par le saccage du verger, je rentrai dans mon jardin et me dirigeai vers l’écurie. Genesis et Sukey se trouvaient dans leurs stalles, occupés à mâcher du foin. Ils levèrent tous les deux la tête et hennirent pour me saluer. J’allai caresser Genesis. Scrutant ses yeux sombres, je pensai à l’épreuve subie par ces chevaux, conduits pendant deux cents milles par des étrangers à travers des régions inconnues. S’étaient-ils demandé, comme moi à la Tour, s’ils reverraient jamais leur logis ? J’eus soudain la vision de l’énorme cheval d’Oldroyd se précipitant sur Tamasin et moi, deux mois auparavant, par ce matin brumeux. Tout avait commencé à ce moment-là.
    Au moment où je quittais l’écurie, des gouttes de pluie se remirent à tomber. Je me dirigeai rapidement vers la porte d’entrée. Une haute silhouette en manteau noir se tenait sur le perron, le dos tourné. L’homme fixait la porte, comme s’il hésitait à frapper. Ma main se porta au poignard accroché à ma ceinture, qui ne m’avait pas quitté depuis qu’on me l’avait rendu à la

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