Sang Royal
promis qu’il serait alors de retour.
— Merci. » Je regardai ses traits tirés, ses cheveux mouillés. Il pleuvait toujours. « Tamasin s’est-elle rendue à Whitehall ?
— Oui. On lui a dit que la maison de la reine allait être réorganisée et qu’elle devait revenir dans quelques jours… Elle a peur de reprendre son travail, ajouta-t-il, le regard grave, étant donné qu’on interroge les dames d’honneur de la reine.
— Mais pas les servantes comme Tamasin ?
— Non. Pas pour le moment. Mais elle craint qu’on y vienne. Elle pense avoir intérêt à se fondre dans le paysage. Et je crois qu’elle a raison.
— Dans ce cas, elle risque de rater l’occasion de garder une place dans la maison royale. C’est là qu’un serviteur obtient les meilleurs gages du royaume. »
Il haussa les épaules. « Elle a peur, surtout après avoir vu ce qu’on vous a fait. Elle va trouver un autre engagement. Et d’après elle, il lui reste toujours un peu de l’argent de sa grand-mère.
— Cet héritage lui aura longtemps profité.
— Oui… J’ai parlé à mon vieux camarade, au sujet de son père, soupira-t-il.
— Ça se présente bien ? »
Il fronça les sourcils. « Il y a un candidat possible, apparemment. Il faut que j’y retourne demain.
— Qui ?
— Il a refusé de me le dire. Il paraît qu’il a une belle profession. Mais qu’est-ce que ça veut dire, au juste… » Un coup frappé à la porte l’interrompit. Tamasin entra.
« Je suis désolé que vous ayez perdu votre place, Tamasin, dis-je avec douceur.
— En effet. » Elle se tenait immobile, l’air harassée.
« Restez ici quelques jours de plus, tous les deux. Jusqu’à ce que… Eh bien, jusqu’à ce que la situation s’éclaircisse. Peut-être pourrez-vous retrouver du travail à la Cour.
— Après la mort de la reine ? » Elle parlait d’une voix amère que je ne lui connaissais pas. « Peut-être comme servante dans la maison d’une nouvelle reine, pour voir combien de temps elle occupera ce poste et quels secrets susceptibles de me causer des ennuis je pourrai surprendre ? » Elle secoua la tête avec force. « Non, je n’y retournerai jamais, quels que soient les gages offerts.
— Bon, d’accord, Tammy », dit Barak. Mais elle continua à parler.
« On dit à Whitehall que lady Rochford est devenue folle à la Tour, qu’elle hurle et délire et qu’elle est incapable de formuler une réponse cohérente. La malheureuse reine est retenue à Hampton Court. Dieu seul sait dans quel état d’esprit elle se trouve. Toutefois, une femme doit sourire et se montrer d’humeur joyeuse, pas vrai ? » Elle se tordit le visage pour parodier un sourire de charmante demoiselle, avant de tourner les talons et de se précipiter hors de la chambre.
Ce soir-là, Giles et moi dînâmes tranquillement dans la salle, au son des trombes d’eau. Barak avait passé tout l’après-midi dans la chambre de Tamasin. Joan avait un air maussade, mais peu m’importait, désormais.
Giles avait meilleure mine, et c’était la première fois depuis son arrivée qu’il ne dînait pas au lit. Je lui décrivis l’état du verger et il approuva ma décision d’aller voir l’intendant de Lincoln’s Inn dès le lendemain. « Autrement, si votre jardin est inondé, ses services argueront que vous ne les avez pas prévenus à temps… Vous connaissez les avocats, ajouta-t-il en souriant.
— Vous avez raison. Je vais exiger qu’on creuse un fossé à mi-pente pour retenir les eaux de ruissellement. Il faudra que cela soit fait au plus tôt, car la pluie ne semble pas près de cesser… Et il est temps que je montre à nouveau mon visage », soupirai-je.
Le lendemain matin, je me levai de bonne heure et décidai de me rendre à Lincoln’s Inn sitôt après le petit déjeuner. Tamasin et Barak étaient sortis ensemble. Tamasin pour se mettre en quête d’une chambre, Barak pour aller chercher le serrurier… et s’enquérir de l’identité du père de Tamasin. Bien que la pluie se fût interrompue, j’avançais avec précaution, car Chancery Lane était parsemé de flaques et les amas de feuilles mortes mouillées rendaient glissant le sol bourbeux. En outre, un vent froid soufflait ; l’hiver avait vraiment commencé. Avant tout, afin de me rendre présentable, je décidai d’utiliser les services du barbier de Chancery Lane. Je m’installai sur le fauteuil, conscient de cette fichue
Weitere Kostenlose Bücher