Sang Royal
surveiller ! On peut aussi bien attendre là-haut. »
Je réfléchis quelques instants. « Oui. Pourquoi pas ? On pourra guetter son retour depuis la fenêtre… Tu ne me trouves pas trop anxieux ? demandai-je.
— Non. Sûrement pas. On a affaire à Maleverer.
— Très bien. »
Il se pencha tout près de moi. « Et peut-être qu’on pourra jeter un œil à l’intérieur. »
Je lui lançai un regard irrité. « Il est fermé à clef et je n’ai pas l’intention d’arracher le couvercle.
— Ce ne serait pas nécessaire, répliqua-t-il avec un sourire sournois. Vous oubliez mes dons de crocheteur de serrures. Ce serait pour moi un jeu d’enfant d’ouvrir ce genre de coffret. » Il lorgna mon bonnet, que je tenais soigneusement entre mes mains. « Passez-moi l’épingle qui fixe le plumet et je n’aurai aucun mal à faire jouer la serrure. Après avoir vu ce qu’il contient on pourra le refermer. Personne n’est obligé de savoir qu’on l’a ouvert si on ne le souhaite pas. »
J’hésitai. Une vive lueur brillait à nouveau dans les yeux de Barak. « On verra », dis-je.
Nous montâmes au bureau de Craike. Mon cœur cognait dans ma poitrine, terrorisé à l’idée que ce satané coffret pouvait avoir disparu. Le couloir était vide et silencieux. À l’évidence on avait fini de déménager les bureaux des délégués. Je déverrouillai la porte de celui de Craike et souris de soulagement en apercevant le coffret sur la table où nous l’avions placé.
Nous refermâmes la porte. Barak posa sur moi un regard interrogateur. La curiosité le disputait à la crainte d’être encore plus mêlé à cette sinistre affaire. Or, nous y étions déjà fourrés jusqu’au cou et, pour l’avoir vu à l’œuvre, je connaissais les talents de crocheteur de serrure de Barak. « Vas-y ! lançai-je brusquement. Mais, pour l’amour du ciel, agis avec délicatesse ! » J’ôtai l’épingle de mon chapeau et la lui tendis.
Il l’inséra dans la serrure, la fit jouer dans tous les sens, tandis que je contemplais à nouveau la peinture sur le coffret mettant en scène Diane chasseresse. Si elle présentait un réseau de craquelures dues à l’ancienneté, l’œuvre était d’excellente qualité. Ce coffret avait dû jadis coûter fort cher.
« Merde ! s’exclama soudain Barak, brandissant la moitié de l’épingle brisée. L’autre moitié était restée prise dans la serrure, d’où ne dépassait qu’une minuscule pointe de métal. Barak s’efforça de la saisir, en vain.
« Espèce de crétin, m’écriai-je. Au temps pour tes vantardises ! Si l’épingle est coincée, il faudra fracasser le coffret, et Maleverer s’apercevra qu’on a tenté de forcer la serrure.
— Cette satanée épingle était trop fine.
— Foin de tes excuses !
— On pourrait déclarer qu’on l’a trouvé ainsi.
— Je n’ai guère envie de lui mentir. Toi, si ? »
Il se renfrogna. « Si on dénichait une pincette, je pourrais extirper l’épingle de la serrure. Les ouvriers doivent bien posséder toutes sortes de pinces.
— Eh bien, va donc en chercher une, Dieu du ciel ! Je savais que je n’aurais pas dû accepter ta proposition… »
Pour une fois, il avait l’air penaud. « Je reviens le plus vite possible, assura-t-il en se dirigeant vers la porte. Je l’entendis s’éloigner dans le corridor. Poussant un soupir, je posai un regard angoissé sur le coffret, puis touchai délicatement le bout cassé de l’épingle, espérant que mes doigts, plus minces que ceux de Barak, parviendraient à l’extirper, mais sans succès.
J’entendis toutefois un léger déclic. En triturant le bout de l’épingle, avais-je fait jouer le ressort ? Avec hésitation, je saisis le couvercle, qui s’ouvrit. Sans forcer le moins du monde je le relevai complètement. Une odeur de moisi assaillit mes narines. Je baissai la tête et scrutai l’intérieur, puis, avec moult précautions, j’examinai le contenu.
Le coffret était à demi plein de documents. Je saisis le premier, le dépliai et le contemplai, perplexe. Il s’agissait d’un arbre généalogique illustré de la famille royale, mais grossièrement rédigé à l’encre. Il remontait au siècle dernier, à l’époque des partisans de la maison d’York au cours de la guerre des Deux-Roses, bien que certains membres mineurs de la famille, morts sans descendants, n’y figurassent pas. Très intrigué, je l’étudiai
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