Sang Royal
avec soin. Cette généalogie ne recelait aucun secret : c’était celle que l’on voyait affichée dans maints bâtiments officiels royaux. Si quelqu’un s’était amusé à établir une version abrégée de l’arbre généalogique de la maison royale, pourquoi la cacher ?
Je fouillai de nouveau dans le coffret. Sous l’arbre généalogique se trouvait un vieux bout de papier sur lequel on avait grossièrement écrit un texte. « Voici la prophétie du grand magicien Merlin, commençait-il. Révélées sous le règne du roi Arthur, telles sont ses prédictions concernant les rois qui succéderont à Jean… » Le texte évoquait des monarques désignés sous les noms de Bouc, Lion et Âne, avant de conclure par les mots suivants : « Henri le huitième, qui sera appelé la Taupe, sera maudit par Dieu pour toutes ses actions. Son royaume sera divisé en trois, et aucun de ses héritiers ne montera sur le trône. »
Je reposai le griffonnage. Cela ressemblait à l’une de ces prophéties calomnieuses colportées dans tout Londres à l’époque du Pèlerinage de la Grâce. Les distributeurs de ce genre de pamphlets encouraient la peine de mort.
Le document suivant n’était pas un feuillet de papier mais un très grand parchemin plusieurs fois plié. L’ayant ouvert, je découvris le sceau du Parlement au bas de l’écrit. Il s’agissait donc d’un texte de loi, inconnu de moi cependant. Je commençai à le lire : « Titulus Regulus. Loi concernant le couronnement du roi et de sa descendance… » De quel roi était-il question… ? Je parcourais rapidement le texte écrit en larges et magnifiques lettres noires, quand mes yeux s’arrêtèrent sur les mots suivants : « Notre souverain maître, le roi Richard III… » Je fronçai les sourcils. Je n’avais jamais ouï parler de cette loi. Avec grand soin, je mis de côté le parchemin et m’enquis de ce qui restait dans le coffret. Il ne semblait s’agir que de feuillets de piètre qualité recouverts d’une série de gribouillis effectués à la main. Le premier était plus grand que les autres. Je le pris et le posai sur la table.
Voici la confession véridique d’Edward Blaybourne, rédigée à l’article de la mort, afin de révéler au monde mon lourd péché…
C’est alors que je reçus sur le côté de la tête un coup violent qui me coupa le souffle. Ma vue se brouilla et je vis une grosse goutte de sang tomber sur la confession de Blaybourne. Comme je comprenais qu’il s’agissait du mien, je sentis un second coup sur ma nuque. Mes jambes ployèrent sous moi et je plongeai dans les ténèbres.
12.
LORSQUE JE REVINS À MOI, j’eus d’abord une sensation de chaleur surprenante. J’y pris plaisir un instant, me rendant compte à quel point je m’étais habitué à vivre à York dans le froid et l’humidité. Que faisais-je à York ? Puis en un éclair tout me revint en mémoire. Je tentai de me dresser sur mon séant mais une violente douleur me traversa la nuque. Des mains s’emparèrent de moi et m’obligèrent avec douceur à me rallonger. « Il est revenu à lui ! entendis-je s’écrier Craike. Apportez l’hypocras ! Attention, cher ami, tu as reçu un mauvais coup sur la nuque. »
J’ouvris les yeux. J’étais couché sur un lit de coussins placés à même les nattes de jonc qui couvraient le sol. Craike se tenait au-dessus de moi, ses doigts potelés nerveusement noués. Chargé d’une cruche et d’un verre, Barak apparut derrière lui. « Buvez-en un peu, monsieur, mais pas trop ! »
Je bus quelques gorgées du vin chaud sucré, ce qui me revigora. Je tentai de me redresser, mais ma nuque me faisait mal, de même que le côté de mon visage. Je portai ma main à l’endroit endolori et l’en retirai souillée de sang visqueux.
« Ce n’est pas aussi grave que ça y paraît, me rassura Barak. Cette blessure-là est due à un coup oblique. »
Sonné, je promenai mon regard autour de la pièce qui me semblait familière. Je compris alors que je me trouvais dans le bureau de Maleverer au Manoir du roi. La chaleur venait d’un brasero alimenté par du charbon de bois, l’un de ces brasiers utilisés comme appareils de chauffage dans les riches demeures. À côté de la porte, armé d’une pique, un soldat en tunique rouge contemplait la scène. Je compris que nous étions gardés.
« Combien de temps suis-je resté inconscient ? demandai-je.
— Une bonne heure,
Weitere Kostenlose Bücher